Peter Ibbetson est écrit avec le naïf enthousiasme d'un romancier en herbe. George du Maurier, le grand-père de Daphné, était avant tout un illustrateur de talent, ce qu'on verra avec les planches qu'il dessine lui-même pour son premier roman. C'est avec une plume exaltée, héritée d'un romantisme exacerbé, qu'il écrit ce roman, connu en France depuis l'adaptation de Henry Hathaway. On devine que l'auteur s'inspire, en partie, de lui-même pour créer ce personnage, dont nous suivons les déboires, écroué à vie, mais qui s'évade par l'imagination en retrouvant la femme qu'il aime dans des "rêves réels". Jack London utilise un procédé similaire dans Le vagabond des étoiles : on peut emprisonner un homme, on ne peut emprisonner son imagination.
Lorsque George du Maurier a l'idée de ce roman, il la propose à son ami Henry James, qui lui répond de l'écrire lui-même. On pardonnera donc les maladresses de celui qui n'était pas un écrivain de métier. D'autant que le récit est charmant, plus charmant que le film encore. Une belle histoire sur la nostalgie et le souvenir, sur la possibilité d'invoquer l'un pour conjurer l'autre. Que la vie soit une désillusion, et il est toujours possible de s'en évader, c'est ce que nous offre le rêve. Avec un vernis de fantastique, soit. Il y a peu de chance qu'on arrive à rêver, de la manière dont les protagonistes de ce roman rêvent. Peu importe au demeurant, la littérature le fait pour nous.