Postmodernism and the environmental crisis par ChatonMarmot

Le postmodernisme est selon Lyotard, "l'incrédulité envers les métanarrations", "l'émancipation par la rationalité, la libération des exploités, la création de richesse" - "essentiellement la perte de cette foi dans le "progrès", qui aurait imprégné la civilisation occidentale depuis ses "origines" grecques tout en étant essentiellement une sécularisation de l'eschatologie chrétienne.


L'idée de progrès comme amélioration de la condition humaine, propagée avec la colonisation, s'est fracassée sur la première guerre mondiale ; et son successeur, le "développement" de l'ère du pétrole, a abouti à un appauvrissement, des révoltes et des guerres, et à la pollution environnementale.


"Paradoxalement", l'expansion du modèle capitaliste occidental a sapé le modèle hiérarchique qui plaçait la race européenne au sommet. Les identités nationales ont perdu leur pertinence pour une nouvelle bourgeoisie internationale et une nouvelle classe salariée coupée des traditions et acculturée dans sa jeunesse par la télévision.



Le postmodernisme n'adhère pas à l'idée de domination de la nature par l'homme, explicitement formulée par Descartes et Marx, produit d'une longue tradition anthropocentrique décriée par Nietzsche, et qu'Heidegger qualifia d' "onto-théologique", collusion de la métaphysique grecque et de la théologie chrétienne aboutissant à la science et à la technologie,

qui ne révèlent le monde que comme des objets à contrôler. Conséquemment les peuples organisés par de tels systèmes politiques ne résident plus à l'intérieur de leur possibilité. D'abord la volonté s'arrange partout dans la technologie qui dévore la terre dans l'épuisement, la consommation et le changement de l'artificiel. La technologie pousse le monde au-delà de sa sphère de développement possible (Gare)


Gare : Mais Derrida est également critique envers Heidegger, en rejetant dans l'esprit de Nietsche, l'anthropocentrisme et l'ethnocentrisme implicites dans l'identification de l'histoire de l'Etre avec l'histoire de la culture occidentale, et en traitant la culture et la langue occidentales comme le lieu de l'Etre - "le dernier sursaut de l'homme supérieur".



Ces formulations théoriques universalisantes, abstraites, métaphysiques en contradiction avec leurs prétentions critiques, n'aboutissent concrètement qu'à arracher à la racine toute possibilité de critique en actes - une radicalité vaine qui n'obtient que le fatalisme devant un processus identifié à l'histoire humaine elle-même ; celle-ci étant de surcroît identifiée à l'histoire de l'Occident, laquelle est considérée comme l'incarnation de ce principe science-technique. Autant de raccourcis qui réduisent le réel à une conception de l'histoire bien spécifique, changée en fatalité par ceux qui prétendent la dénoncer sans envisager la moindre possibilité d'alternative - ayant essentialisé LA technique et son destin dans le monde - , histoire conduisant fatalement à sa perte, prédéterminée par ses origines fondamentalement délétères.


Le rejet de l'historicisme par Oeil-de-Guerre aboutit à une capitulation devant une marche de l'histoire compromise dès sa mise en route, et au nihilisme qu'il prétend attaquer - puisque c'est cuit d'avance. En fait de condamnation de Hegel, c'est d'un hegelianisme négatif qu'il s'agit, l'annihilation programmée de l'humanité. L'homme est par nature historique, or l'histoire est celle de la destruction du monde.


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Le titre annonce le sujet : l'approche postmoderne permet-elle de penser la crise écologique et d'éventuelles solutions?

''Vico a initié le schisme entre les penseurs qui se préoccupent d'abord du spécifique et de l'unique, et ceux de la tradition cartésienne qui se soucient du répétitif et de l'universel. Cette opposition est corrélée avec le souci du concret plutôt que l'abstrait, du changement et du mouvement perpétuel plutôt que du repos, de l'aspect intérieur plutôt qu' extérieur de la réalité, de la qualité plutôt que la quantité, du culturel plutôt que des principes universels.'' (p39)

''Nietzsche affirmait la réalité du devenir, critiquant la fixation traditionnelle sur l'être comme une attaque envers la vie elle-même. Comme il l'écrivit dans le crépuscule des idoles sur les idiosyncraties des philosophes :

''Ici réside leur manque de sens historique, leur haine de l'idée même de devenir, leur egyptianisme. Ils pensent faire honneur à une chose quand ils la déhistoricisent, sub specie aeterni - quand ils en font une momie. (...)

Ils mettent ce qui vient à la fin, les ''plus hauts concepts'', le plus général, les concepts les plus vides, les dernières fumées d'une réalité évaporée, au début'' (P47)

''Le savoir est basé sur ce qu'on disqualifie habituellement sous le terme de tropes rhétoriques : transférer une chose d'une sphère à une autre complètement différente (métaphore), confondre une chose avec ses attributs (métonymie), prendre une part pour le tout ou le tout pour une part (synecdoque), et des généralisations abusives. Les concepts se forment en rendant équivalentes des choses qui ne le sont pas, et en éludant le particulier.pour penser et inférer il est nécessaire de supposer des êtres : la logique ne propose des formules que pour ce qui reste identique. (...) qu'est-ce que la réalité donc? Un hôte mouvant de métaphores, métonymies, et anthropomorphismes : en bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et théoriquement intensifiées, transférées, et embellies, et qui après long usage, paraissent aux gens fixées, canoniques, et définitives. Les vérités sont des illusions que nous avons oublié être des illusions ; des métaphores devenues usées et vidées de force sensuelle, des pièces sans inscription et considérées comme du sîmple metal(...)dire vrai, c'est employer les métaphores les plus généralement acceptées et familières, appropriées aux circonstances''

''La séparation de l'acte et de l'acteur, des faits et de leur cause, du processus et de ce qui n'est pas processus mais pérenne, substance, chose, corps, âme, etc. ''

78
''Les économistes sont aveugles car ils prennent leurs modèles abstraits des échanges du marché pour la réalité''

Pourtant Gare n'applique pas aux ''sciences économiques'' la critique formulée par nietzsche .

82 ''l'environnement fut pris comme une question sérieuse dans les année 70 par divers marxistes, dont Richard england et Barry bluestone aux USA et André Gorz en france ''

80 '' alors que que Marx et Engels considéraient occasionnellement des sujets écologiques, les fondations d'un environnementalisme marxiste furent posées durant la vie de Marx quand un socialiste ukrainien, Serhii Podolinski, tenta de reformuler la théorie de Marx de la plus-value comme appropriation d'énergie utile. En se focalisant sur l'énergie, Podolinski révéla l'étendue de l'exploitation de la paysannerie, la relation d'exploitation entre différentes régions et les limites du développement économique. L'énergisme devint un composant significatif du marxisme, particulièrement en Russie où il fut développé par Bogdanov, la cible principale de l'attaque de Lénine sur le révisionnisme. (...) Bogdanov souligna les limites et le besoin de conserver l'environnement naturel, mais critiqua aussi la supposition de Marx selon laquelle les relations de propriété étaient les seules bases des relations de pouvoir, et rejeta l'analyse des formations économiques en bases et superstructure. Pour Bogdanov, ce qui comptait n'était pas qui possède mais qui organise la production ''

(Gare ne mentionne pas les physiocrates français)

Paradoxalement (?), cette dénonciation implicite du système bureaucratique se transforme en appel à la planification dans le livre de Gare.

Après avoir mis en doute l'efficacité de certaines mesures comme la taxation carbone, et rappelé que l'industrie ne manquait pas de zones à disposition où il est fait peu de cas de la nature et de la vie, Gare conclut son livre en demandant une régulation de l'économie par les Etats-nations.

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87

Baudrillard :"le système est fondé sur l'identification des individus avec leur force de travail et avec leurs actes de ''transformation de la nature pour des fins humaines'' ''

''Le rejet de cette conception des humains est associé à un rejet de la conception de l'histoire comme progressive ''humanisation'' de la nature et destruction de toutes les formes de vie et modes de pensée qui se mettent en travers du chemin de cette transformation. Le postmodernisme est ''écocentrique''. Il est associé au respect des sociétés et cultures non occidentales, des idées des minorités, du culte de la nature et des religions orientales et des formes de vie non humaines.

Les postructuralistes français ont contribué à la tradition de pensée anti-cartésienne, anti-hegelienne, et globalement anti-platoniste initiée par nietzsche et Heidegger. Ils ont particulièrement soutenu l'attaque nietzschéenne contre l'anti-naturalisme de la pensée occidentale et l'attaque d'heidegger contre l'orientation technocratique de la civilisation occidentale.(...)

L'importance de Nietzsche pour le mouvement environnemental a été pointée par max Hallman. Le christianisme a coupé l'humain de la nature, rendue synonyme de ''mal'', n'attribuant de valeur qu'à ce qui est utile pour l'homme - ''il est évident que chaque créature différente de nous ressent différentes qualités et conséquemment vit dans un monde différent du nôtre''

90 Heidegger : ''en faisant d'une chose une valeur elle devient seulement un objet pour l'estimation humaine'' - renforçant la logique de destruction en espérant l'enrayer.

91 ''mais Derrida critique ausi Heidegger, rejetant, dans l'esprit de Nietzsche, l'anthropocentrisme et l'ethnocentrisme implicites dans l'identification de l'histoire de l'être avec l'histoire de la culture occidentale.''

92

''Selon Quigley, il y a une tendance chez les mouvements de résistance à continuer à poser une sorte d'absolu, supposément donné comme présent immédiat. (...) Catherine Ingram suggère que ''nous avons oublié une sagesse du sauvage, notre spontanéité et notre intuition '' C'est encore logocentrique et (...) renforce l'idée qu'il existe une vérité absolue, ce qui donne à un groupe privilégié l'autorité de diriger le reste de la société.

Le logocentrisme est associé aux efforts pour réduire la diversité sous l'identité.''

Comment l'auteur en arrive-t-il à approuver une pareille affirmation, qui contredit soudain tout ce qu'il a écrit plus tôt ?

Certes, il avait déjà conclu au caractère inopérant de la dénonciation abstraite de la technique par Heidegger, qui rejette tout d'un bloc. C'est vain, d'une part parce que c'est trop vague et général sans aucune conséquence pratique, mais aussi parce que Heidegger enferme l'humanité entière dans un destin occidental autodestructeur inévitable, souscrivant à l'idéologie qu'il prétend dénoncer, aussi ethnocentrique qu'un Hegel et n'envisageant même pas la possibilité d'échapper à la mentalité impérialiste (de tous les systèmes politiques ayant existé - pas seulement occidental - et qu'hegel fait se succéder).

C'est aussi le souci avec le poststructuralisme, qui se situe sur le même plan d'abstraction et de généralité que ce qu'il ''déconstruit''.

Gare évite d'employer le terme d'idéologie, pourtant il s'agit bien ici de mettre en garde contre la fabrication d'idéologies même en paraissant les dénoncer, contre la création de nouveaux systèmes en attaquant les anciens (du ''new age'' à l'embrigadement sectaire?).

Pourtant, l'auteur ne pourrait pas mieux se contredire lorsqu'après avoir affirmé cela, il conclut son livre comme il le fait.

Si telle est sa problématique centrale : comment parvenir à un consensus global et à une politique planétaire qui enrayerait le processus de destruction de la vie, si l'on dénonce toute vision unique et globalisante du monde comme le fait le postmodernisme, disqualifiant par avance toute prétention à un diagnostic universellement vrai sur la situation?

Et nous sommes d'ailleurs entrés dans la période où le scepticisme est retourné contre la science, où le relativisme des valeurs et des visions du monde sert à nier la destruction environnementale par le modèle industriel productiviste dominant ; au lieu du respect des cultures locales dont les modes de vie sont intégrés à leur environnement, la ''post-vérité" sert à les écraser.

Résultat? À la fin du livre, Gare, dans une pirouette peu convaincante , fait l'éloge de l'état-nation, qui seul serait capable d'enrayer la logique qu'il a partout servi à mettre en oeuvre.

À quoi bon avoir écrit plus tôt :

''alors que Derrida déconstruisait la primauté de certains discours, Lacan exposait les structures d'opposition qui conduisaient à célébrer la domination, et Lacan et Baudrillard révélaient les formes de désir insatiables qui conduisaient à la célébration de la consommation gaspilleuse, Barthes et Lyotard examinaient les genres de narrations qui dominaient la civilisation occidentale et, dans cas de Lyotard, comment les grandes narrations du progrès ont dévalué les narrations locales et les savoirs locaux.''

ChatonMarmot
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le 1 janv. 2024

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