Il est rare que le cinquième volume d'une saga à succès marque un rebond en matière d'intérêt pour le lecteur, généralement ça va plutôt en s'étiolant : l'inspiration a pu se tarir, l'auteur continuant sous la pression de son éditeur ou de sa situation financière. Et puis, pour le lecteur, le saisissement de la première lecture est passé. Bref tout ça, s'érode peu à peu. Bon, je ne vais pas énumérer les multiples exemples de mon propos, puisque en l'occurrence, c'est ici le phénomène inverse que j'ai observé, s'agissant évidemment de mon seul ressenti.


En fait, dans la série Kenzie / Gennaro, Lehanne a pu, notamment dans les tomes 2 et 4, avoir eu tendance à en faire un peu trop en matière de noirceur psychologique et de complexité de ses intrigues souvent tortueuses. Au point de perdre le lecteur, qui ne sait plus très bien qui sont les vrais salopards et quels sont leurs ressorts. Car, et c'est aussi le cas ici, il n'est pas rare que la plupart des protagonistes d'une affaire aient quelque chose de pas très avouable à se reprocher. Et puis, il faut bien le dire, trop de perversion tue parfois la perversion.


Dans ces prières pour la pluie, Lehanne renoue avec une forme de simplicité, avec une intrigue rectiligne, qui, si elle n'est pas dépourvue de rebondissements, se dénoue au fil des investigations du duo Kenzie / Gennaro, reconstitué après quelques dizaines de pages et une séparation intervenue à la fin du tome 4 et causée par l'horreur de ce qu'ils avaient enduré dans cette enquête, sans doute la plus noire jusqu'à présent. Là, c'est plus aisé à suivre et ça va moins dans le registre du serial killer cherchant à tutoyer des sommets en matière de cruaté, même si, on s'en doutera, ce ne sont pas des enfants de chœur que traquent nos deux détectives. Le mode opératoire du tueur est d'ailleurs assez original, je n'avais jamais lu ça ailleurs (ça ne veut pas dire que ça n'a jamais été fait): mais à mon sens, une belle trouvaille pour un auteur de roman noir.


Mais, comme le registre est un peu plus léger, sans doute du fait des retrouvailles déjà évoquées ci-dessus, ce n'est pas finalement pas si plombant à lire et, comme le scénario est bien fichu, ça se dévore très bien. Car, surtout, Lehanne retrouve sa gouaille usuelle, attribuant à ses deux héros de succulentes punchlines et dressant, parfois en un seul chapitre, des portraits formidablement vivants et éloquents de personnages secondaires, qui pour certains ne font que passer dans l'intrigue. Enfin, comme l'inénarrable Bubba Rogowski prend de plus en plus de place dans l'histoire, c'est un vrai plaisir que de lire ces prières pour la pluie.

Marcus31
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le 31 août 2021

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