Argument central: la propagande façonne l'esprit des masses. Celui qui contrôle la propagande, contrôle donc la masse. La propagande s'avère particulièrement efficace et lucrative une fois appliquée à l'économie capitaliste (le marketing).
Coup de génie: plutôt que de reposer sur la contrainte, la propagande doit reposer sur l'adhésion "volontaire", c'est-à-dire faire croire au citoyen-consommateur que l'idée vient de lui, que le produit répond à son envie.
Pour reprendre une phraséologie marxiste, le marketing (terme anachronique mais qui me semble pertinent) est une réponse à la baisse tendancielle du taux de profit, où "comment augmenter artificiellement la valeur d'un bien sans modifier les facteurs de production ?". La valeur marchande dépendrait ainsi de la perception que le consommateur a du produit, plutôt que de ses qualités matérielles intrinsèques. Le prix n'étant plus lié à la production, la marge devient potentiellement infinie. D'une manière analogue, l'adhésion du citoyen à une proposition politique ne repose absolument pas sur la pertinence de la dite proposition, mais uniquement sur la capacité du système médiatico-politique à manipuler ses émotions afin d'obtenir son consentement. La démocratie serait ainsi plus efficace que l'autoritarisme quand il s'agit de contrôler la masse.
La force du capitalisme au final, c'est d'être toujours en avance de 50 ans sur ses critiques. Ainsi Bernays ne devint célèbre (en dehors de son domaine d'expertise) qu'une fois que la société tout entière eut succombée à son œuvre. Guy Debord ne publie sa "Société du Spectacle" qu'en 1967, dans un style verbeux et peu accessible qui n'égale pas la simplicité radicale et cynique de Bernays. Plus récemment, c'est le hacker Kevin Mitnick qui popularise le terme "ingénierie sociale" et étend la critique à l'espace numérique, le nouveau continent du XXIe siècle. Bernays parlait déjà d'une "ingénierie du consentement" au début du siècle dernier...