Dernier roman du vieil Hugo qui heureusement, va s'arrêter là. Je suis plutôt grand amateur du roman historique du dix-neuvième siècle, mais ici, j'avoue ma déception.

Récit péniblement didactique sur la révolution française vue pendant la terreur et les guerres vendéennes, le livre ne propose ni personnages vivants, ni souffle épique, juste de froids idéaux. L'ensemble se lit assez vite et on termine les sept cents pages en se demandant : "tout ça pour ça ?". Balzac sur le sujet avais lancé une carrière prolifique. Dumas à plusieurs reprises, nous a proposé des tableaux palpitants sur cette période historique (les mémoires d'un médecin, les blancs et les bleus, les compagnons de Jéhu, les louves de Machecoul...). Anatole France offrira bientôt une vision plus riche de la Terreur. Hugo, lui, n'apporte rien, se laisse aller, c'est de son âge, à une sorte de mythification de vieillards fanatiques et semble incapable de raconter une histoire...

Pour son point de vue sur l'Histoire, remarquons tout de même qu'il y a moins d'aveuglement propagandiste peu après la naissance de la troisième république que lors du bicentenaire de si triste mémoire. Au moins une chose à retenir en faveur de notre gâteux national.

A noter aussi quelques pages savoureuses sur les Bretons qui, au vu des grotesques combats d'arrière-garde qui continuent à polluer cette belle région, me semblent encore d'actualité :

"(...) ce sauvage grave et singulier, cet homme à l'oeil clair et aux longs cheveux, vivant de lait et de châtaignes, borné à son toit de chaume, à sa haie et à son fossé, distinguant chaque hameau du voisinage au son de la cloche, ne se servant de l'eau que pour boire, ayant sur le dos une veste de cuir avec des arabesques de soie, inculte et brodé, tatouant ses habits comme ses ancêtres les Celtes avaient tatoué leurs visages, respectant son maître dans son bourreau, parlant une langue morte, ce qui est faire habiter une tombe à sa pensée, piquant ses boeufs, aiguisant sa faulx, sarclant son blé noir, pétrissant sa galette de sarrasin, vénérant sa charrue d'abord, sa grand-mère ensuite, croyant à la sainte Vierge et à la Dame blanche, dévot à l'autel et aussi à la haute pierre mystérieuse debout au milieu de la lande, laboureur dans la plaine, pêcheur sur la côte, braconnier dans le hallier, aimant ses rois, ses seigneurs, ses prêtres, ses poux; pensif, immobile souvent des heures entières sur la grande grève déserte, sombre écouteur de la mer. (...)"
Torpenn
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le 17 mai 2011

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Torpenn

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