Sapiens
7.7
Sapiens

livre de Yuval Noah Harari (2011)

Une vision intéressante de l'Histoire humaine, mais qui devrait se présenter comme telle.

(Je précise que cette critique s'appuie sur la version anglaise de l'oeuvre, plus qualitative que sa version française)


J'avais lu ce livre pour la première fois à la sortie du lycée. Comme le jeune naïf à l'esprit critique immature que j'étais, j'avais été conquis en me laissant bercer par ce conte donnant un "faux" sentiment de savoir aux ignorants. Fort de quelques années d'enseignement supérieur en histoire, géopolitique, économie et philosophie, ainsi que d'un esprit critique un peu plus rôdé, j'étais curieux de savoir si ma vision de ce livre allait être radicalement différente, j'ai donc entrepris de le relire, et je n'ai pas été déçu.


Les forces de cet essai, (car oui il s'agit plus d'un essai que d'un livre de vulgarisation historique) sont indéniables : l'auteur propose plusieurs idées novatrices et souvent pertinentes, nous invitant à une prise de recul ô combien précieuse sur les mythes de notre époque, tout en faisant une partie du temps l'effort de nuance.


Cependant, la gêne vis-à-vis de son propos est elle aussi certaine. Harari tombe lui-même la tête la première dans ce qu'il entend dénoncer dans son livre : confondre son propre imaginaire avec la réalité. Il nous présente sa vision des choses (certes intéressante) comme s'il s'agissait d'une vérité objective, c'est le comble de l'ironie. Ainsi, il met à plusieurs reprises sur le même plan des faits historiques, des thèses pertinentes avec une valeur scientifique mais nuancées, avec des idées beaucoup plus controversées, qui trahissent sa propre foi en certains mythes : ceux de l'idéal du progrès, de la fin de l'Histoire et du village global, etc. Des propos qu'il ne traite pas avec le même degré de rigueur et de nuance que le reste, mais qu'il fait passer pour "l'ordre naturel" de la marche de l'Histoire humaine, pour reprendre ses mots. L'aboutissement de son propos, trahissant une admiration pour le transhumanisme, est particulièrement dérangeant.


Ainsi, si Harari avait eu l'humilité et le recul nécessaire sur sa propre vision pour présenter son ouvrage tel qu'il est, un essai personnel, en faisant preuve égale de rigueur et d'usage du conditionnel tout le long de son livre, celui-ci en aurait été bien meilleur. Cependant, il aurait dû sacrifier son storytelling fluide et percutant qui a fait le succès de son ouvrage. On ne peut pas tout avoir...
Cela ne m'étonnerait pas qu'il s'agisse là d'un choix volontaire, à ce moment-là félicitations pour le best-seller, mais pas pour le manque d'honnêteté.


En bref, cet essai a le mérite d'inspirer des réflexions et de donner envie d'aller plus loin à celui qui sait y exercer son esprit critique, tout en donnant à l'ignorant une fausse impression d'être savant, et des idées prêt-à-porter qu'il sera tout fier de ressortir au café du coin, lui donnant une apparence d'intelligence.

Tarkonnard
6
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Créée

le 14 juin 2021

Critique lue 130 fois

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