Si Sauvagines est bien un roman, le livre de la québécoise Gabrielle Filteau-Chiba se lit aussi comme un cri de colère vis-à-vis du capitalisme méprisant, du gouvernement (canadien) négligeant, des fermiers pollueurs et surtout des chasseurs ou plutôt des braconniers qui se croient tout permis. L'auteure est une écoféministe convaincue dans la vie réelle comme en littérature et Sauvagines a souvent des allures de manifeste, parfois sans nuances, pour la protection d'une nature de plus en plus souillée par des humains sans scrupules. Dans une première partie du roman, Gabrielle Filteau-Chiba réussit son récit, parfaitement harmonieux entre messages environnementaux, portrait drôle et touchant d'une femme de 40 ans solitaire et thriller en amorce. Son style fait merveille, souple et ample à la fois et émaillé d'expressions savoureuses, typiquement québécoises. La deuxième moitié du livre est moins satisfaisante, l'engagement de son héroïne se fait enragement alors que, dans le même temps, le suspense traîne en langueurs (monotones) et l'arrivée d'une houle sentimentale dans la vie de la quasi ermite flirte avec la mièvrerie. Ce voyage en Haut-Kamouraska, avec son ode aux coyotes et à la faune et la flore locales, vaut quand même le détour, ne serait-ce que pour le talent de narratrice de son auteure et ses rudes pages où elle décrit par le menu des "horreurs boréales" qui ne sont évidemment pas le fruit de son imagination.