Avec ce livre, Primo Levi nous offre un témoignage des camps de l'horreur depuis l'intérieur, et ce, juste après sa libération. Ce que le lecteur y découvre, au fil d'une narration au style simple et efficace qui s'efforce de se focaliser sur les faits, c'est ce que l'Homme est capable d'infliger à l'Homme. Il n'est pas question de monstres, de barbares, d'inhumanité. Au contraire, c'est une histoire d'hommes, l'histoire des hommes, de l'Homme, dans ce qu'ils a de plus humain. C'est en cela que les faits relatés sont effrayants et révulsants.
Le plus saisissant, c'est la manière dont Primo Levi met en lumière la nature des hommes. On s'attendrait à ce que l'horreur, les châtiments, la haine arbitraire qui accablent les pensionnaires des camps soude les hommes pour faire face à l'atrocité des circonstances d'un seul bloc. Or, la nature des rapports est semblable à celles en-dehors des camps. Certains sont vils, égoïstes, calculateurs, d'autres se soumettent à l'autorité, d'autres se rebellent, et le reste tente de passer entre les mailles et faire profil bas. Primo Levi va plus loin dans l'analyse qu'il nous offre : quelle est la part d'Homme et la part d'animal en nous dans de telles circonstances ? Quelle est la part de blanc, de gris, de noir dans les rapports humains ?
Ce qui est fascinant dans ce récit, c'est la générosité du narrateur à l'égard de tous les hommes. Il en aime certains, en déteste d'autres, est indifférent à la plupart ; mais je n'ai ressenti à aucun moment ni dédain global, ni cynisme. Et c'est en cela, à mon avis, que ce livre est un chef d'œuvre, car il aurait facilement été compréhensible qu'il soit tourné uniquement vers le ressentiment.