Dans cette uchronie fantastique, simili-dixneuviémiste, le fait est que la magie ou art obscur, a toujours été présent. Il a simplement été oublié car affaibli jusque là. Le premier opus ne répond pas aux origines de cette atténuation, peut-être que l'un des trois suivants y répondra-t-il ? Ce n'est pas l'essentiel, où néanmoins les choses en sont là d'un sorcier surpuissant ayant fait pencher les guerres napoléoniennes, à la faveur anti-anglaise de Napoléon Bonaparte.
Cette faveur est-elle acquise ? Non, car l'action se déroule sur des journées enchaînées de printemps 1815, c'est-à-dire l'année de la fin du Premier Empire français selon l'Histoire...
Une action resserrée qui, vue l'époque et le style d'écriture de François Baranger, ne peut pas empêcher de faire songer au mouvement néo-classique.
Car il y a quelque chose de classique dans cette "unité de temps", quoi qu'elle ne dispose pas tout à fait d'une "unité de lieu" (bien que ses lieux soient massivement français) ; quant à "l'unité d'action", eh bien on peut la trouver à travers tous ses destins croisés (à la manière de Game of thrones de JRR Martin) dont le mentalité narrative se déploie sur fond de cynisme mâtiné d'idéaux progressistes (à la manière de the Witcher).
L'ouvrage peine peut-être à convaincre au début à cause de tout cela : des références discernables (par quoi son genre est qualifié de dark fantasy) ainsi que quelques lourdeurs dans la mise en oeuvre du style (qui se veut mimétique d'époque quoi que sous l'angle contemporain), et d'ailleurs le fameux Sorcier d'Empire qui sous-titre l'ouvrage (personnage n'apparaissant qu'aux trois quarts, effet d'attente oblige) m'a semblé un peu risible - sans que cela n'entâche l'ensemble.
Enfin il faut le dire, les personnages principaux en sont là de faire plus ou moins capes et d'épées mâtinées d'artillerie, mousquets & canons (où l'on est alors obligé de songer à Assassin's Creed : Black Flag dans la démarche) de telle sorte que ça matche. Oui, "ça matche". Une telle expression devrait tout dire, à quelqu'un ayant un peu de sens historique...
Puisqu'il est question des personnages, par lesquels chaque séquence se déploie, disons qu'ils ont tous un fond romantique quant à eux (blessures passées, velléités de pouvoir, etc.). Certains évoluent mieux que d'autres, et je fus quelque peu blasé par la stagnation des deux héros essentiels (Ludwig et Ethelinde) ; cela concorde, de manière générale, avec une action qui peine à se faire sentir substantiellement, mais c'est inhérent aux biais de perspectives : la démultiplication des sensibilités des personnages n'aide pas.
Je crois qu'on n'échappe pas, dans le genre fantasy, à quelques clichés, notamment sur ce besoin irremissible de mettre en scène des femmes libérées secondées par des hommes sensibles à cette libération (contre toute cohérence morale d'époque) de sorte à ce que cela sonne comme du moralisme contemporain anachronique (mais après tout, ça reste une uchronie, il faut bien satisfaire la lectrice aussi ? et d'abord cela fait des décennies maintenant que les films de capes et d'épées en sont là, à preuve récemment le deuxième et dernier volet des Trois Mousquetaires 2023, sous-titré Milady). Le personnage de l'espionne russe parmi les tziganes est, à ce titre, bien meilleur.
Mais vraiment, je voudrais vous dire que cet ouvrage mérite son 8/10, à cause d'un détail qui tue, et qui d'ailleurs découle de tout ce qui vient d'être dit : l'épée bâtarde utilisée par Ludwig, à des fins pratiques quoi qu'anachroniques, mais assumées dans cet anachronisme.
Cela lui donne, manifestement, un air de Final Fantasy et, à vrai dire, un Final Fantasy aurait largement pu mettre en scène l'univers en question. Eh bien, cette Final Fantasy française, en tant que française, ne peut qu'être sévère et méchante comme je le fus, envers elle-même... que cela ne lui ôte rien de son esprit alors. Revendication de l'héritage des Lumières, encyclopédisme, galanterie, tout y est (sauf les langues régionales d'époque, car "on ne parlait pas français en France" avant le début du XXème siècle).
Or, une Final Fantasy synthétisant toutes les références évoquées suscite l'admiration, l'envie d'acheter ses suites, ainsi que d'abaisser son tricorne en faisant la révérence.
Il y a vraiment un it là-dedans qui, je l'espère, ne sera pas perdu dans les suites.
Mais peut-être ne venait-il que de mon esprit critique ? A vous de le dire.