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Dune reste un space op', bien qu'il se passe essentiellement sur une planète, parce que Franck Herbert a compris la risibilité d'un Espace où le moindre pécore pourrait envoyer une salve ou un missile sur un autre pécore. Du moins est-ce ainsi qu'il plaça toute la dimension space op' en background lointain... et c'est ce qui fait, pour le profane, toute la difficulté de saisir son univers. Car les questions techniques de savoir si l'on voyage plus ou moins vite que la lumière, avec de l'astrogation et une IA navigatrice, n'ont pas d'importance : l'important, c'est qu'il faut des pilotes suffisamment prescients pour pouvoir diriger tout cela à échelle cosmique. De telle sorte que le rôle central de l'épice sécrétée par Arrakis/Dune, en plus d'être addictif et gériatrique, est justifié.

Pas d'épice, et l'univers redevient un immense vide au sein duquel l'humanité se sera éperdue en divers mondes indépendants. Oui, indépendants, gouvernés par différentes maisons isolées finalement dans le temps et dans l'espace. Concrètement même, tous les space op' et autres SF un peu high devraient prendre ce paramètre en compte... voire des altérations relativistes des espaces-temps... rendant toute congruence interstellaire vaine.

Ceci étant dit, on comprend mieux pourquoi tout se déroule comme en huis-clos sur la planète Dune, pour un space op', quoi que d'autres planètes soient mises en scène, et que l'on sente bien la venue de voyageurs d'autres mondes sur Arrakis.

Comme son prédécesseur, Dune : deuxième partie parvient à mettre ça en scène, car ce n'est pas évident. C'est fait dans l'épure visuelle et le moindre peuplement des paysages, quoi qu'il y ait des peuples, donnant vraiment le sentiment d'une action concentrée sur ses héros - ce qui est le cas du livre de Franck Herbert. Il y a vraiment une fidélité. Et, "pire", ce volet se paye le luxe d'être encore plus dark que le premier, qui était déjà bien senti (rien à voir avec le Lynch, ou autre mise en scène - même le présumé Jodorowsky n'aurait probablement pas eu cela, quoi qu'il aurait eu autre chose de jodorowskien, et pour quoi on sent bien dans Métabarons que les enjeux jodorowskiens sont vraiment ailleurs, sur la dimension initiatique, dimension absente de chez Herbert puisque ses personnages sont toujours-déjà puissants).

La sombreur de ce volet est liée, tout simplement, à l'agencement tragique d'un destin héroïque en vue d'une guerre sainte qu'il souhaite d'abord éviter, mais qu'il assume hautement après sa mutation (boire l'eau de la vie est, manifestement, plus qu'une initiation ou même qu'une transfiguration : une pure et simple mutation).

C'est que Franck Herbert n'aimait pas les héros, les princes, les messies. Pour lui, Dune était une dénonciation et, finalement, le personnage de Chani, dans sa rébellion conjointe aux tribus du Nord pragmatiques, contrairement aux tribus du Sud fanatiques (distinction absente du livre, mais dont la mise en scène introduit des problématiques herbertiennes de façon explicite sans rien endommager)... le personnage de Chani, est comme un représentant de Herbert dans l'affaire.

Je passe sur les beaux moments de cinéma qu'offrent le film, quoi qu'il y ait un effet de lassitude : le désert, c'est le désert...

Alain_
8
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le 10 mars 2024

Critique lue 26 fois

Alain_

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