Terry Pratchett aime parodier — avec un talent universellement reconnu — la littérature heroic fantasy. Le génie de Sir Terry est tel que l'on pourrait se demander : est-ce que ses livres, au-delà de leur caractère comique indéniable, ne sont pas le renouveau d'un genre à bout de souffle ? La réponse est certainement oui, et Sourcellerie en est un bon exemple. Voici pourquoi :


Sourcellerie est le cinquième livre des Annales du Disque-monde, et le troisième qui retrace les aventures de notre maje préféré, j'ai nommé : Rincevent (pour la chronologie du Disque-Monde voir ce guide de lecture). Dans ce tome Rincevent doit affronter une puissance magique suprême ; celle d'un Sourcellier. Un Sourcellier est un huitième fils d'un huitième fils d'un huitième fils d'un mage et il est doté d'une puissance magique incommensurable. Ipslore le Rouge, père du Sourcellier, décide de manipuler son fils afin d'user de cette magie pour tromper la Mort et se venger de son bannissement de l'Université des mages.


Le tome, à l'image de l'univers du Disque-monde, est rempli de personnages loufoques et hauts en couleur (comme Nijel le Destructeur, héros barbare débutant). Ces personnages sont souvent des anti-archétypes d'heroic fantasy, au sens où ils semblent être construits — physiquement et psychologiquement — en exact opposition à des archétypes du genre. Pour illustrer, Nijel est l'anti gros dur, de fait il est frêle et mou. Ensuite, là où l'art du combat semble souvent être inné chez les barbares qui peuplent les mondes d'heroic fantasy, Nigel a quant-à-lui appris à se battre en lisant un livre...


Ces personnages sont premièrement la traduction d'une critique évidente envers les personnages archétypaux que l'on trouve dans l'heroic fantasy. Mais ils ne se limitent pas qu'à cette critique, ils sont aussi une preuve par l'exemple que l'on peut écrire de l'heroic fantasy en échappant aux canons du genre (le sorcier aux pouvoirs cachés, le barbare à la force herculéenne, etc.). De plus, ils sont sans l'ombre d'un doute la force du récit. Cependant, on peut regretter que les personnages subissent trop l'histoire : ils réagissent aux évènements qui leurs tombent dessus mais ne les provoquent pas. Ce problème est commun aux premiers livres du Disque-monde et s'améliore par la suite.


Aussi, Terry Pratchett — sous couvert d'humour — se permet des innovations qui soufflent un vent de fraicheur sur le genre. Il recourt par exemple à des notes en bas de page pour faire des apartés humoristiques. Il joue avec la typographie et l'orthographe selon les personnages qui s'expriment ; ainsi la Mort parle en majuscule. Plus classique, il jouent avec les mots et leur oralité ; le passage avec Sconnar, un personnage bien-nommé car assez désagréable est exceptionnel. Toutes ces petites choses permettent de donner un second souffle, à un genre à l'identité forte et qui s'en trouve parfois prisonnier.


Finalement, si vous lisez ces lignes en vous demandant encore si vous devez lire Sourcellerie ou non, je ne vous dirais qu'une chose, prenez exemple sur la Mort car celle-ci a décidé de marcher aux côtés de Sir Terry après l'avoir appelé par ses mots :



AT LAST, SIR TERRY, WE MUST WALK TOGETHER.


Uexkull
7
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le 11 août 2020

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Uexkull

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