Il faudrait que je relise Un été, le deuxième roman de Vincent Almendros paru en 2015. A l'époque, j'avais été sensible au charme hypnotisant de ce bref texte, reposant sur peu de choses, qui m'avait soufflé par un twist final disséminé en quelques mots habiles.
Il faudrait que je relise Un été, parce que ses deux publications suivantes, Faire mouche (2018) et Sous la menace (2024), ne m'ont pas convaincu, et qu'à force, j'ai l'impression d'aborder ses textes sur un malentendu.
On retrouve pourtant dans Sous la menace la manière insidieuse dont Almendros instaure un climat pesant, une tension sourde qui hérisse l'échine, un sentiment d'inquiétude qui laisse craindre que les choses vont mal tourner. En quelques phrases, quelques mots, le romancier impose un carcan poisseux à ses personnages, qui s'y débattent comme des poissons dans un aquarium sale, contraints par le sentiment de leurs propres limites, de leurs ratages, étouffant sous le poids de la colère, du ressentiment ou de la peur.
C'est l'aspect le plus réussi du livre, qui dit aussi, en creux, le mal-être de son narrateur adolescent, rongé par le deuil, giflé par le mépris furieux de sa mère, et hanté par les pulsions plus ou moins contrôlables qui le laissent en équilibre au bord de la catastrophe. Un protagoniste qu'il malmène autant qu'il nous malmène, lecteurs, dans le rapport que l'on tisse avec lui, nous faisant passer de l'empathie à la répulsion en quelques pages assez dérangeantes.
Je dis "en creux" car, chez Almendros, beaucoup passe (ou est censé passer) par le non-dit, le suggéré ou l'allusion. C'est un exercice de corde raide que le moindre chancellement menace de déséquilibre ou de chute. Dans Un été (dans le souvenir que j'ai de Un été), l'acrobate ne déviait jamais de son fil ; ici, c'est plus fragile. La faute à une recherche d'écriture blanche - marque de fabrique de nombreux auteurs Minuit, honorée avec plus ou moins de bonheur - qui dérape souvent vers le neutre, voire vers le vide littéraire. On passe très vite d'une écriture blanche à une absence d'écriture, et c'est l'un des défauts qui, à mon sens, plombe parfois Sous la menace.
Plus ennuyeux encore, Vincent Almendros esquisse plusieurs fils narratifs, frôle plusieurs sujets, qu'il abandonne tous plus ou moins en cours de route. En résulte une impression désagréable de "tout ça pour ça", qui m'a fait refermer le livre sur la certitude que je n'en garderai pas grand-chose.