Un enchaînement de circonstances qui plongera ses proches dans la culpabilité conduit à l’accident et aux huit mois de coma de Clara, seize ans, fille unique insouciante et adorée d’un couple désormais séparé. Tandis que le drame et l’angoisse rapprochent le père, Alexis, de son ex-épouse et le poussent à s’inscrire à un atelier d’écriture animé par un certain Ruprez, auteur sans succès d’un seul livre de jeunesse, le réveil tant attendu de Clara transforme bientôt leur vie à tous, à commencer par la sienne, puisque la jeune fille est revenue des portes de la mort avec une hypersensibilité la rendant capable de prescience.
David Foenkinos est un fleurettiste de la plume : il traverse les thèmes les plus sombres avec toujours la même légèreté fluide, délicate et précise, dans une mélancolie teintée d’un humour doux-amer qui, sans avoir l’air d’y toucher, de petites phrases sobres en vérités finement épinglées, fait mouche à chaque paragraphe. Non que ses sujets soient spectaculaires, ses livres sont peuplés de caractères maladroits et inadaptés, tâchant comme tout un chacun de faire face aux tourments ordinaires de la vie, mais le regard de l’auteur, sans pareil pour décortiquer la banalité, suffit à rendre son texte remarquable de sensibilité et de finesse.
Une justesse de vue qu’il partage d’ailleurs avec son personnage Clara, comme lui et au même âge revenue d’une expérience de mort imminente qui l’a, elle aussi, transformée. Lui en est devenu écrivain, une façon de mettre en mots les images naissant dans son imagination tels des flashes, pas si éloignés des visions dont Clara, pour sa part, va se servir pour donner un coup de pouce au destin d’autrui. L’on découvrira alors, dans un récit franchissant le pas de l’irrationnel pour aborder les rivages de l’ésotérisme et du mysticisme, les raisons qui ont eu raison du talent et de l’inspiration littéraires de Ruprez. De l’échec amoureux à la panne d’écriture en passant par toute la palette du chagrin, une occasion de mesurer la part essentielle jouée par l’inconscient dans le processus de création artistique.
Un peu lent et décousu dans sa manière d’explorer tour à tour le sort de personnages ne partageant que le rapprochement dicté par le hasard des circonstances et par la volonté semblablement démiurgique de Clara et de l’auteur, ce vingtième roman de David Foenkinos n’est probablement pas son plus passionnant. Le lecteur décontenancé par l’imbrication de ces récits somme toute assez peu connectés devra se consoler en savourant, dans son ennui relatif, la finesse non démentie de l’écrivain dans son exploration de la banalité et de ses drames.
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