Je me souviens avoir vu vite fait un extrait d'Ubu roi dans un manuel de français quand j'étais au collège, et ça commençait par le fameux "merdre !". J’appréciais ce signe d’anticonformisme, et l’œuvre globalement m'avait l'air d'une absurdité qui me siérait.
Les personnages d'Ubu et de sa femme sont des sortes de beaufs du 19ème siècle, avec leur propre langage qui est une déformation du français, et un goût prononcé pour la basserie en tous genres.
Ubu est un idiot, sale, égoïste, lâche, et sans tenue, mais qui aspire à la grandeur. Il vivrait aujourd'hui, ce serait le candidat parfait pour de la télé-réalité. Sa femme le pousse à agir en tuant le roi, pour prendre sa place.
Si au début le fait d'avoir un pareil anti-héros est amusant, Ubu devient insupportable, à tout le temps parler dans le vide, et faire preuve toujours des mêmes défauts qui servent un humour qui ne se renouvelle jamais. Il est toujours question d'Ubu qui fuit ou se cache, qui dit un truc puis son contraire, etc.
L’écriture très primaire n’aide pas au plaisir de la lecture. Jarry n’en avait rien à faire des didascalies ; qu’un personnage parle à un autre ou à part, ça n’est jamais indiqué. Et très souvent, plutôt que d’indiquer que tel personnage fait telle action, c’est un autre qui fait passer l’information dans une réplique.
De même, on passe d’une scène/d’un décor à un autre sans transition, par ellipses abruptes, et les évènements qui se bousculent dénotent une paresse dans l’écriture de l’intrigue.
On dirait un truc que Jarry aurait écrit en étant bourré. C’est très naïf, très simpliste, avec un humour bas de gamme ; c’est ce qui fait le charme de l’œuvre au départ mais ça devient vite lassant. Une bonne partie de l’humour s’appuie sur des termes inventés et autres expressions à la con, et quelques fois on tombe au niveau de blagues de maternelles ("… la Vénus de Capoue" – "Vous dites que qui a des poux ?")
Alors le verso de l’édition que j’ai acheté essaye d’en faire une œuvre avec un fond, où l’humour sert à tourner en dérision une figure de tyran… Oui, Ubu est présenté comme un despote qui fait tout pour s’enrichir au détriment de son peuple, mais c’est exprimé avec une extrême lourdeur et bêtise. Et j’espère que Jarry ne cherchait pas vraiment à tenir un propos ainsi, que c’est uniquement les intentions qu’on lui a attribuées.
Dans tous les cas je ne comprends pas qu’on fasse passer cette bouffonnerie pour quelque chose de bien plus profond qu’elle ne l’est.