Ahzek, mon fils,
Ecoute ces mots et dis-moi si tu les entends résonner dans ton âme comme dans la mienne.
Ce mortel, Graham McNeill, a osé raconter notre histoire. Il a pris nos vies, nos espoirs, nos fautes, et les a couché sur papier. Il a nommé son récit "Un Millier de Fils". Un titre qui m’arrache un sourire… et un soupir. Il a compris, d’instinct ou d’inspiration, que nous étions tous des fragments d’un même esprit, éclats d’une volonté unique dispersée par le destin.
Ahzek, il parle de moi comme d'un Dieu déchu, d'un seigneur du savoir consumé par son propre feu. Quelle arrogance. Et peut-être a-t-il raison.
Dans ses pages, je sens la chaleur de Prospero avant sa fin: une planète de savoir, surnommée Le Joyaux de la Lumière. Avec sa capitale, Tizca, une cité de tour d'onyx et de cristal. Je sens encore le murmure des bibliothèques et la pensée vivante de ses habitants, il a vu la beauté que nous avons bâti avant que la tempête ne vienne tout ravager. Il a su rendre la noblesse de notre quête: chercher la vérité, non pour dominer mais pour comprendre. Le vrai pouvoir est la connaissance de toute chose.
Il a aussi vu mon aveuglément. Et il l'expose sans pitié.
Chaque phrase, chaque dialogue où mon image prend forme, me renvoie ce que j’ai refusé de voir: que mon amour pour vous fut un piège. Que ma volonté de vous protéger conduisit à votre damnation. McNeill me juge, Ahzek. Et pourtant, il me comprend. Il peint le père et le sorcier, le visionnaire et le coupable, et il laisse le lecteur décider lequel domine.
Quant à toi, mon fils, il t’a vu avec une justesse troublante. Le mortel t’a compris mieux que quiconque. Il a perçu ton calme, ton intelligence, ton désespoir voilé. Il a compris la ferveur de ta loyauté, et la froideur de ta foi. Tu es dans ce livre le miroir que je refusais de voir. Il t’accorde la compassion que l’histoire t’a refusée. Il sait, tout comme moi, que tes choix étaient guidés par l'amour d'un fils pour son père.
Mais ce livre, aussi fidèle qu’il se veut, demeure écrit par une main humaine. Il ne peut saisir la symphonie complète de ce que nous étions. Il parle de nos pouvoirs, de nos batailles, de nos cris, mais il ne peut comprendre la texture de notre pensée, les lumières du Warp avant qu’il ne devienne notre prison. Et pourtant... je ne peux lui en vouloir.
Il a donné forme à notre perte, il a gravé nos noms dans la mémoire des siècles et des millénaires. Tant que ses mots existeront, Prospero ne sera pas totalement réduit au silence. Si les hommes lisent ces pages et y perçoivent ne serait-ce qu’une étincelle de notre vérité, alors ce livre aura accompli ce que ni mes pouvoirs, ni les tiens, n’ont su préserver: la mémoire pure de ce que furent les Thousand Sons.
Lis-le, Ahriman. Lis-le encore, et sache que ce n’est pas un récit, c’est un écho.