"Une journée de passée. Sans seulement un nuage."

Une journée d'Ivan Denissovitch, c'est un titre on ne peut plus représentatif. On suit, sur quelques pages, la vie de Choukhov, celui qui s'appelle Ivan Denissovitch, mais à qui on a donné un numéro plutôt qu'un nom, quand il est entré au goulag.
En suivant Choukhov, on croise les autres.
Ceux de l'autre côté, Volkovoï, que l'on craint comme le loup.
Les autres zeks. Tous des numéros mais pas un identique, finalement. César et ses colis plein de victuailles, qui pourtant a bien besoin de Choukhov pour survivre. Turine qui défend sa brigade. Fétioukov, qui ne sait pas se tenir, qui mendie. "Il chiale, le dos rond, avec plein de sang autour de la bouche.". Choukhov, qui est là depuis des années. Huit ans. Fait prisonnier par les Allemands puis relâché, accusé d'espionnage. Alors Choukhov, après huit ans de goulag, il sait comment se tenir pour survivre. Choukhov, quand il ne fait que -27°C, quand il peut maçonner de bon coeur, quand il réussit à avoir une part de soupe supplémentaire, il se contente bien de ce qu'il a, et il est presque heureux.
Sous le soleil rouge ou sous le soleil du loup, Choukhov, il ne réfléchit plus au temps qui passe, et quand il voit une lettre de sa femme, il se demande juste s'il trouvera un travail honnête en sortant.

Ce roman a de la force. Peut être que c'est la force d'Ivan que l'on lit et que l'on sent. Dans le froid Sibérien on sent nos orteils se geler, mais on rit des fois avec Choukhov, on est content quand il finit ses travaux, quand il peut récupérer un peu plus de nourriture, on est touché par des instants étranges. Dans l'horreur des goulags, peut-on vraiment sourire ? Senka, le sourd, qui se fait tellement hurler dessus qu'il entend, et qu'il en est tout heureux. Dans l'horreur des goulags peut-on vraiment garder espoir ? Aliocha, personnage des plus intéressants à mon avis. Celui qui croit, même s'il est enfermé pour sa foi :
"-Quand on a la foi, si vous dites à une montagne de marcher, elle marchera.
Choukhov se marrait doucement.
-Aliocha, faut pas causer pour ne rien dire. J'ai jamais vu une montagne qui marche. Mais vous autres, dans votre Caucase, où vous étiez tout un club de baptistes, à prier le bon Dieu, ça en a fait démarrer une ?"
Peut-être que le passage de conversation entre Choukhov et Aliocha est à lui seul une raison assez forte de lire ce livre :
"Une prière, Aliocha, c'est pareil que les réclamations. Ça n'arrive jamais jusqu'au grand patron. Ou bien il t'écrit dessus : Refusé."
clairemouais
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le 24 nov. 2013

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clairemouais

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