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S'il existait un prix du roman le plus poignant de l'année (de la décennie ?), il est certain que Une vie comme les autres de Hany Yanagihara l'obtiendrait haut la main. Le livre est un bloc de douleur sur plus de 800 pages, à peine allégé par quelques éclaircies de bonheur qui ne durent pas longtemps. C'est un roman harassant, également, pas uniquement pour sa longueur mais pour ce côté sombre et déprimant dont il ne se départit presque jamais. Oui, il est intense et addictif et intelligemment construit avec moult flashbacks avec une question qui nous fait languir : mais qu'est-il arrivé durant son enfance à Jude, le personnage principal du livre que l'on suit durant une trentaine d'années pour qu'il soit aussi malheureux et dans une telle auto-détestation ? Parmi les aspects les plus positifs du roman, il y a avant tout cet hymne à l'amitié entre quatre garçons de races et d'orientations sexuelles différentes (dommage cependant que les femmes soient aussi peu présentes). Ce qui surprend, malgré tout, pour une histoire qui s'étend sur autant de temps, c'est qu'aucune indication d'événements extérieurs ne soit mentionnée comme si le récit ne prenait en compte que la vie intime et professionnelle de Jude et de ses amis. Mais les véritables bémols sont ailleurs : dans le monde que décrit Hanya Yanagihara, il n'y a pas de juste milieu. Soit il est atroce avec des individus qui ne cherchent qu'à profiter de Jude sur tous les plans (moralement et physiquement), principalement lors de son enfance ; soit il est idéal avec des gens bons, généreux et désintéressés qui aiment Jude sincèrement et cherchent à l'aider quand il va mal (c'est à dire continuellement). Très noir ou très blanc, à l'exception notable du personnage de JB, voire d'un moine, mais loin d'être aussi nuancé que l'on aurait souhaité. Dans le même ordre d'idée, pourquoi les proches de Jude (et lui-même d'ailleurs) sont-ils aussi incroyablement et invariablement brillants : avocats, artistes, sans cesse en voyage autour du monde ? Bon. Ce qui est évident, c'est que le livre aurait gagné à être raccourci d'au moins 200 pages pour éviter répétitions et longueurs, encore plus visibles lorsque le ton est aussi sinistre et évoque scarifications et pédophilie, entre autres horreurs. Toutefois, malgré d’importantes réserves, il est indéniable qu’il s’agit d’un roman marquant, sensible à l’extrême et qui ne peut pas laisser indifférent quant aux thèmes abordés.

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le 5 janv. 2018

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