Vipère au poing
6.8
Vipère au poing

livre de Hervé Bazin (1948)

Je suis celui qui marche une vipère au poing

Quand je pense qu'il m'a fallu attendre l'âge de 25 ans (environ – ce qui est sûr, c'est que je travaillais alors et allais être père) et une opération de fouinage chez un bouquiniste, pour découvrir ce roman et cet auteur, par conséquent. "Comment, tu n'as jamais entendu parler de "vipère au poing" ?" Ma femme n'en revenait pas et avait du mal à me croire. Quand elle m'a eu raconté sommairement le livre, mon sang n'a fait qu'un tour, j'ai acheté puis dévoré le livre. Puis, j'ai continué avec les deux suites "la mort du petit cheval" puis "le cri de la chouette".

Un roman autobiographique ou largement autobiographique dans lequel le narrateur raconte ses relations tendues avec une mère qu'on peut qualifier d'indigne dans un milieu très bourgeois et très conservateur de la campagne angevine. C'est aussi un milieu fermé et catholique au sens où on fait la charité visiblement mais avec condescendance. Eh oui, car on vit chichement sur la dot de Madame, le père n'étant pas foutu de travailler ou plutôt ne trouvant pas de situation à son niveau. Un faible, ce père, sur lequel le narrateur s'appuie sans illusion. Avec mépris.

L'éducation des enfants se fait à travers un abbé qui revient tout de même moins cher que la pension pour trois enfants … Quand l'abbé ne convient plus parce que pas assez sévère ou avec la main baladeuse sur les fesses des servantes, on le vire et on le remplace.

Ce qui caractérise ce roman et enflamme le lecteur, c'est la haine absolue, viscérale du narrateur surnommé Brasse-Bouillon pour une mère qu'on a mariée à un homme qu'elle n'a jamais aimé et qui lui a fait trois enfants "dans le noir", avec dégout.

"Elle avait de jolis yeux, vous savez, cette vipère … que je retrouverais dans les prunelles de Folcoche, je veux dire de ma mère, … "

Cependant, avec le recul des années, je ne peux m'empêcher de penser que le caractère et la personnalité du narrateur devaient beaucoup à la mère. Bazin a sûrement dû avoir un satané caractère dans sa vie ultérieure. Pour s'affronter de cette façon, il faut être semblable, à la manière d'aimants de mêmes pôles.

Hervé Bazin est né en 1911 ; par conséquent son enfance, c'est grosso modo les années 20. Le livre est paru après la guerre en 1948. Hervé Bazin avait donc plus de 35 ans quand il a écrit le roman. Mais on sent encore la fumée de l'encre du stylo avec lequel Bazin écrit. Il devait sûrement régulièrement changer de plume au stylo. (Evidemment, si c'est une machine à écrire que Bazin a utilisée, on doit voir les caractères profondément et rageusement enfoncés dans les feuilles).

Les phrases sont courtes, sarcastiques, efficaces ; "Vipère au poing" était son premier roman. Une sorte de thérapie pour sortir l'image de sa mère de sa tête, pour se guérir de cette violence interne ?

JeanG55
9
Écrit par

Créée

le 19 juin 2023

Critique lue 309 fois

9 j'aime

13 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 309 fois

9
13

D'autres avis sur Vipère au poing

Vipère au poing
B-Lyndon
7

Tuer la mère

Un livre écrit dans un français absolument superbe, traduisant à merveille une progression, un basculement, inédit et sans équivalent dans la littérature, de son narrateur à travers un monde fait de...

le 5 mai 2013

18 j'aime

Vipère au poing
JeanG55
9

Je suis celui qui marche une vipère au poing

Quand je pense qu'il m'a fallu attendre l'âge de 25 ans (environ – ce qui est sûr, c'est que je travaillais alors et allais être père) et une opération de fouinage chez un bouquiniste, pour découvrir...

le 19 juin 2023

9 j'aime

13

Vipère au poing
Marine_Gicquel
10

virulent

L’histoire d’Hervé Bazin m'a appris combien l’amour d’un parent est primordial pour le développement personnel, émotionnel et psychologique d’un enfant. Par l'histoire de sa vie, il partage avec nous...

le 6 mai 2014

9 j'aime

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

21 j'aime

8

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5