Faith par Hervé Bertsch

Difficile de ne pas passer pour un con quand on s’aventure sur les terres de Prince ou MJ pour proposer un funk blanc. Difficile aussi d’espérer produire un disque qui dure au milieu des années 80, cette période où la variété a explosé tous les scores du kitsch. Contre toute attente, ce disque réussit pourtant ces deux exploits. J’avoue, j’ai longtemps gardé de George Michael l’image d’un gonze avec des lunettes d’aviateur, jouant de la gratte les jambes en V, en remuant le bassin, perfecto ouvert sur un torse imberbe. Pas vraiment le genre de délire qui me donne envie d’écouter sa musique.

Je pense que George Michael avait bien conscience de cette image et qu’il a souffert du fait que sa musique soit vue comme superficielle ou sans vraie substance artistique. Il a d’ailleurs appelé un de ses albums Listen Without Prejudice, ce que j’ai essayé de faire. Et, honnêtement, il faut bien admettre qu’il savait vraiment faire groover sa voix. Pas étonnant, au final, que des monstres sacrés de la soul et de la funk comme Aretha Franklin aient accepté de chanter avec lui.

Au-delà des deux énormes tubes de l’album (Faith et I Want Your Sex), qui ont permis au disque de se vendre à 25 millions d’exemplaires (quand même), on entend pas mal de trucs intéressants sur les 50 minutes du projet. Du funk blanc qui exploite plutôt bien les sons typiques de ces années-là. Une chanson comme Hard Day groove bien, avec une basse hyper présente dans le mix. Je pense aussi à Look at Your Hands ou Monkey, deux morceaux qui réussissent à faire groover une boîte à rythmes, ce qui, avouons-le, n’est pas donné à tout le monde.

D’autres chansons plus pop, comme Hand to Mouth, montrent qu’il savait aussi composer des morceaux pop efficaces, avec des mélodies qui restent en tête. Bon, tout n’est pas réussi sur ce disque, loin de là. Les ballades, en particulier, sont chiantes comme la pluie (One More Try ou l’insupportable Kissing a Fool), mais, soyons honnêtes, on peut reprocher la même chose à 90 % des slows de Prince ou de Michael Jackson. Ce style de musique supporte mal les ralentissements de tempo et devient vite insipide.

Mais dans l’ensemble, ce disque est une bonne surprise si vous aimez l’univers funk des années 80.

Dans la version remasterisée, on trouve pas mal de remixes et de versions instrumentales vraiment intéressantes, car elles révèlent clairement les ponts qui existent entre cette musique et l’univers d’artistes comme Grandmaster Flash, qui avaient inventé le son du hip-hop à la fin des années 70. Ce son a ensuite été repris et digéré par des artistes comme Prince, Michael Jackson ou George Michael pour créer leur propre univers. En écoutant ces titres, on comprend les connexions qui existaient déjà à l’époque entre le hip-hop et la pop mainstream. Et on se rend compte que le succès du hip-hop ne date pas des années 90, mais que ce style avait déjà sérieusement imprégné le son mainstream au milieu des années 80, préparant ainsi le terrain pour la consécration du genre une décennie plus tard.