Toute honte bue

Ne me quitte pas est un chef d’œuvre, un monument, une institution, que le critique n’aborde qu’avec un infini respect. La chanson aux innombrables reprises et traductions est écrite en 1959 par Jacques Brel, aidé par son pianiste Gérard Jouannest.

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Brel aime les femmes, mais refuse d’abandonner son épouse et leurs trois enfants. Sa maîtresse, Suzanne Grabriello, le quitte. Si l’homme souffre, l’auteur compose. Prudent, il propose la chanson à Simone Langlois. Ce n’est qu’en 1972 qu’il l’intègre à son répertoire, le succès est immédiat.

Le grand Jacques vit ses textes sur scène : l’amant éconduit pleure, gémit, supplie. Il est seul. Il a oublié la présence du public et des techniciens. Il est perdu. Pas de musique ou d’effets de scène, mais juste quelques notes de piano pour appuyer là où il a mal. Ne me quitte pas n’est pas une chanson d’amour, mais l’impudique supplique d’un lâche, prêt à toutes les bassesses pour ne pas se retrouver seul.

Je me cacherai là
À te regarder danser et sourire et
À t'écouter chanter et puis rire
Laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main
L'ombre de ton chien
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Véritable experte en amour, Édith Piaf ne s’y trompa pas, lâchant, dépitée : « Un homme ne devrait pas chanter des trucs comme ça ! »
C’est vrai.