Tour de force

Saison 1 :

Le dernier "coup" de Ryan Murphy s'apparente à un véritable tour de force... même si l'on peut rester dubitatifs quant à la qualité du résultat final. L'idée - géniale et provocatrice - de Murphy est de réaliser le pot pourri absolu des codes du cinéma d'horreur, sans craindre de tomber dans la citation directe, voire le plagiat (il est éducatif de lire sur le Net les exercices de références plus ou moins pointues auxquelles les fans se livrent...), tout en en profitant pour balayer sans pitié l'éventail des tares les plus extrêmes de la société américaine : serial killers, massacres en milieu scolaire, perversions sexuelles extrêmes, fascination mercantile pour la violence, etc. Il faut un vrai culot pour accumuler ainsi au sein d'un scénario qui fait plus que proliférer, qui explose littéralement de manière monstrueuse, tant de situations glauques, effrayantes, extrêmes... car cette accumulation provoque - logiquement - autant une excitation intellectuelle (...bienvenue) qu'une indéniable saturation : trop, c'est trop, a-t-on régulièrement envie de crier devant la multiplication effrénée, pour ne pas dire grotesque, des meurtres, des revenants, des exactions diverses auxquelles se livrent des personnages toujours plus déviants. Plus mesurée, la série aurait pu être un chef d’œuvre, tant elle fait preuve régulièrement d'intelligence dans sa "critique sociale", tant elle aligne de bonnes idées, génératrices de véritable angoisse (l'homme de latex, la bonne au double visage, etc.). Dans l'état, elle a au moins le mérite de dynamiter la "routine" du (télé)spectateur qui se retrouve balloté sans pitié jusqu'à des situations paroxystiques vraiment inhabituelles. Ce n'est pas si mal.

PS : Et même si tout le monde le reconnaît, il faut répéter que Jessica Lange est ici absolument formidable, dans ce qui restera probablement LE rôle de sa vie.

Saison 2 :

Le saut qualitatif effectué par Ryan Murphy (et Brad Falchuk) avec cette seconde saison de leur "œuvre déviante", "American Horror Story", est tellement surprenant, et pour tout dire, inattendu, que voilà cette série tout d'un coup propulsée parmi les meilleures du moment : non que le principe, outrancier et grotesque, de l'accumulation hystérique des sujets / poncifs du genre ait été abandonné (non, on a droit ici à des E.T. abducteurs, un scientifique nazi se livrant à des expérimentations monstrueuses, une possession diabolique, des nonnes en chaleur, un serial killer dépeçant ses victimes, etc. etc.), mais il est transcendé par une vraie écriture qui donne une cohérence étonnante à l'ensemble, grâce à des personnages consistants, voire profonds, auxquels on s'attache bizarrement, certes, mais réellement. L'interprétation, globalement excellente, aide bien sûr beaucoup, même si c'est encore la sublime Jessica Lange qui emporte le morceau, jouant subtilement toute une palette d'émotions et de comportements contradictoires qui font de Sister Jude un magnifique personnage de fiction, portant avec lui toute la saison. On n'évite quand même pas le coup de barre en milieu de saison, quand les thèmes exposés avec brio au cours des premiers épisodes s'épuisent, et que les scénaristes doivent ouvrir leur œuvre à de nouveaux arrivants - pas toujours réussis, comme le très raté personnage du Santa Claus killer, mal incarné par un Ian McShane décevant - et surtout nous faire quitter peu à peu les murs décrépis et répugnants de Briarcliff, nous privant ainsi d'un climax qu'on aurait aimé plus traumatisant, à l'image du début de cet "Asylum", qui restera néanmoins dans les mémoires.