Black Mirror
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Black Mirror

Série Netflix (2011)

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La piste de réflexion proposée par Charlie Brooker à l’écriture est tentante. Comme certains films d’anticipation on s’attend au choc visuel. Les nouvelles technologies, l’humanité interfacée, la manipulation mentale et l’atteinte psychologique, le contrôle et ses dérives, pour une réalité faussée, où l’éthique, les limites et les responsabilités seront pointées. Alors, si l’idée de l’espionnage a des attraits et rattrape notre actualité, ou encore l’identité visuelle utilisée et détournée via les réseaux sociaux nous interpellent, les intrigues manquent d’originalité et les écrans noirs n’ont pas toujours la vedette.


Bonne idée :
On se retrouve face à un réel exacerbé plutôt qu’à de la franche anticipation, l’absence de spectaculaire et des rythmes souvent lents, y contribue.
Les personnages n’ont rien du héros et ne feront rien de bien fantastique, ils subiront une technologie autant dangereuse qu’ils le sont parfois eux-mêmes. La série vise le danger des moyens de communication et du progrès. Et le propre du progrès est bien ce cheminement sournois et constant, sans heurt véritable, qui révèle notre esclavage moderne et notre acceptation sans faille. C’est bien le plus effrayant.
Avec tous les matériels à notre disposition pour se déconnecter de la réalité, il ne resterait qu’à laisser faire pour ne plus exister.


Une entrée en matière souvent prenante démarrant tranquillement et qui crée l’attrait. Mais dès que la finalité se fait jour, le message de la série qui pointe notre incapacité à l’objectivité, à la réflexion et à notre aveuglement, perd en puissance, avec des résolutions plates.

Même si quelques épisodes s’attachent à la guerre (Tuer sans Etats d’âme), ou au thriller (Haine virtuelle)., les mêmes idées, amour, couple, fantasme, comme clichés du monde restreint auxquels on s’attache, rabaissent la SF à des considérations ni marquantes ni intéressantes qui restreignent les enjeux et les connexions attendues.
Bientôt de retour (saison 2) ou comment faire son deuil avec un robot remplaçant de l’amour perdu….rend l’intrigue peu passionnante, sans vraie questionnement si ce n’est de révéler l’égoïsme de l’acte et le fantasme raté. Crise de couple bis. Mouais.
La simulation informatique avec Junipero (saison 3), Hang the DJ (saison 4) de Timothy Van Patten (scénariste et réalisateur de quelques épisodes des Soprano , Rome, Deadwood…), c’est agréable mais redondant, et là encore le sujet aurait mérité surtout avec son final, de pousser plus loin la SF.
Alors que dans l’épisode 3 de la saison 3 Tais toi et danse, mis en scène par James Watkins (Eden Lake), celui-ci reste un essai bien accessoire sur l’atteinte de piratage informatique et sa finalité.


Des sujets et leur mise en œuvre pour une moralité grossière et des situations frôlant le ridicule.
L’abus de pouvoir par les médias saison 1, L'hymne national, nous donnera à voir des images poussives sans aucune portée et aucune tension. On a du mal à y croire, alors que la mise en scène quant à elle est réussie. L’ensemble n’est pas franchement crédible et l’idée d’acrasie serait à revoir.
Le Show de Waldo plutôt vain pour une interrogation sur notre monde politique, remplaçant nos dirigeants par un ours en image de synthèse où seule l’ironie du dessin renverrait (peut-être) au monde de oui oui objet de nos fantasmes les plus fous !


Le voyeurisme de Retour sur Image, aurait été réussi, si la technologie démontrée visait autre chose qu’une histoire de tromperie. Mise en scène par Carl Tibbetts (Retreat) sur un scénario de Jesse Armstrong, on peut par contre s’interroger sur notre propre comportement excessif dès lors que nous aurions l’occasion de s’autoriser à dépasser nos limites...


White Chritsmas ou le Shutter Island du pauvre, est le pire de tous les épisodes. Aucun intérêt dans cet interrogatoire, dans les personnages et dans l’intrigue.
Black Muséum (saison 4) ne brille pas non plus par son originalité. De thèmes puissants, peine de mort, racisme il en ressort un petit musée des horreurs pas des plus attrayants.


Mais quelques-uns valent le coup d’oeil.


15 millions de mérites mis en scène par Euros Lyn (Boardchurch) joue sur la révolte avortée d’un jeune homme - Daniel Kaluuya (Get Out) et la manipulation réussie du plus fort pour offrir à la rébellion un show télévisuel détourné. Nombre de jeunes gens attirés par la gloire qui révèle aussi la misère sociale et la seule solution possible pour une vie meilleure.


La chasse episode 2 (avec Michael Smiley) a le mérite d’être rythmé proposant une sorte de survival d’anticipation.
Je passe sur des jeux et des caractérisations  bruyantes  et redondantes visant à parfaire l’ambiance tendue, pas toujours réussie. Mais la caractérisation de l’héroïne (que l’on retrouve dans Crocodile) secoue un peu les idées reçues.


Saison 3
Les intrigues restent légères mais seront sauvées par des metteurs en scène plus performants pour certains épisodes, plus rythmés, mieux montés et des acteurs à leurs places.


Chute libre (mis en scène par Joe Wright Orgueil et préjugés). Le refus de se soumettre, avec la marginalisation qui en ressort pointe la joie de la libération, de l’expression et de la liberté retrouvée. Ce qui nous fait sourire, nous, membres de SC en soulignant via les réseaux sociaux cette absence d’interaction réelle. Pour accéder ici, au privilège d’être bien noté dans sa société, avec un maximum de « membres » qui vous apprécient et vous permettront d’accéder au rang supérieur !


Saison 4 entre névroses et technologie


Arkange ou le contrôle parental, mise en scène par Jodie Foster, est peut-être un des plus intéressants car il interroge sur notre angoisse à protéger nos enfants et les dérives qui s’ensuivent.


Crocodile ou le danger des souvenirs...par John Hillcoat, et Andrea Riseborough qui a le physique qui colle parfaitement à cette femme dépassée par les événements qui franchira le pas de la violence, franchement incroyable dans les deux sens du terme. On se laisse surtout porter par la maîtrise de mise en scène, les décors froids et les rapports sociaux inquiétants.


Metalhead OFNI de la série, en noir en blanc, court et parfaitement rythmé, pour une vision apocalyptique de notre futur et de ses robots espions. L'intérêt se situe justement dans le flou de ce futur et dans une mise en scène sans accessoire Un des seuls épisodes franchement pessimiste et très peu de dialogue.
Dialogues d'ailleurs assez faibles et peu percutants dans la plupart des épisodes des saisons.


Et USS callister ou la joie des jeux vidéos, pour les esprits faibles...et dangereux. Un très bon moment jubilatoire et une satyre réussie. Les acteurs sont au top, les décors kitsch à souhait. Un petit régal.
En comparaison du ratage horrifique de Playtest, (saison 3) et de sa perception du jeu vidéo avec un fourre tout plutôt mal fait en terme d’effets.


Finalement dans l'ensemble, toutes les pistes ne sont que survolées au profit du divertissement et comme souvent les résolutions sont plus décevantes que le déroulé mais l’attrait de ces épisodes est sans aucun doute la mise en scène, les décors et les acteurs, car malheureusement, c’est bien le thème qui sert les intrigues au détriment du fond de cette fameuse anthologie, qui ne recèle que quelques petites trouvailles mais rendent difficile l’accès à la « frayeur » ou à la réflexion tant attendues.

limma
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le 7 avr. 2018

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