Chernobyl
8.5
Chernobyl

Série HBO (2019)

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Game of Thrones à peine digéré et voilà qu’HBO nous balance une nouvelle bombe en plein visage. Une déflagration nommée Chernobyl, créée par Craig Mazin, qui revient sur la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire. Brûlot politique, série catastrophe et dessin du déclin communiste, la mini-série est avant tout un choc terrible. Et immanquable.


26 avril 1986. Le cœur de la centrale nucléaire Lénine, située dans l’actuelle Ukraine, explose, emportant avec elle vies, controverses. Il s’agit à ce jour de la plus grande catastrophe nucléaire du XXe siècle aux conséquences désastreuses, aussi bien écologiques, économiques, sociales que politiques.


Comment retranscrire un tel terreau narratif en série de fiction ? C’était tout l’enjeu – colossal – devant lequel se dressait Craig Mazin. C’est peu dire si l’on attendait ce réalisateur-scénariste sur un projet aussi sérieux, pour celui à qui l’on doit les scénarios de Scary Movie 3 et 4, Very Bad Trip 2 et 3 ainsi que la parodie potache Super Héros Movie. Aussi improbable que sa filmographie, le résultat est époustouflant.


La Menace fantôme


Face à cette densité de matériel, Craig Mazin décide de centrer l’histoire autour de Valeri Legassov, physicien nucléaire russe qui est l’un des premiers à avoir mesuré la dimension de la catastrophe. Personnage qui sera constamment ramené à la dure réalité des enjeux politiques qu’incombe une telle tragédie dans la période de conflit qu’est la Guerre Froide. L’humain est au centre de toutes les préoccupations.


Dès l’entame, le décor est planté. La caméra se balade et capte les bribes d’un appartement morne et gris. L’ambiance est lourde, annonciatrice de la tragédie qui va suivre. Legassov est assis à table, cigarette au bec, il procède à des aveux, sort de son appartement pour cacher des preuves, remonte chez lui et se suicide. Générique.



« Rien n’avait de sens à Tchernobyl, tout ce qui s’est passé là-bas,
même nos bonnes actions, tout… n’était que folie » Valeri Legassov
(personnage).



Une introduction sobre et glaçante amenant un premier épisode terrible où l’on suit les différents protagonistes face à une tragédie dont personne ne maîtrise l’ampleur mais où les conséquences humaines sont déjà palpables. C’est l’occasion pour la mini-série d’HBO d’utiliser la richesse du langage cinématographique pour nous plonger, nous fébriles spectateurs, dans la folie du nucléaire, incontrôlable et dévastateur. Un film d’horreur.


La terreur Tchernobyl est marquée au fer rouge dans la conscience collective. Cette angoisse universelle a été transmise par les générations passées et présentes et existe dans chacun de nous. La série joue à fond la carte de cet imaginaire commun pour basculer dans la terreur. Quoi de plus terrifiant qu’un mal invisible qui nous ronge ?


C’est grâce notamment à un travail formidable sur le son et la musique. Lancinant et bourdonnant, le travail sonore instaure ce climat d’inquiétude et d’effroi et plonge le spectateur dans un magma d’ondes, dont on a la sensation palpable qu’elle ronge les personnages. Un travail au service de séquences terrifiantes, où les peaux rouges, les regards terrifiés glacent le sang. Procédé qui sera utilisé à de nombreuses reprises dans les cinq épisodes, dès lors que l’on s’approchera de la centrale éventrée.


La reconstitution est minutieuse, servie par une production impeccable : Les décors sont d’une précision incroyable, jusqu’à la reproduction du bâtiment nucléaire. Des costumes à l’ambiance, absolument tout est fait pour joindre l’immersion à la reconstitution.


Il était une fois l’U.R.S.S.


A la fois effrayante et percutante, Chernobyl fait adhésion dans sa manière de replacer l’humain au centre de son récit. C’est une histoire de catastrophe nucléaire mais aussi et surtout le portrait d’hommes et de femmes qui se sont sacrifiés pour éviter des conséquences bien plus dramatiques. Héroïsme de circonstance et martyrs impuissants. Il est impossible alors d’oublier que les visages montrés à l’écran ont connu cette tragédie.


La série, qui ne se contente pas de relater les événements passés, agit comme un miroir du XXIe siècle. Celui où l’Homme paye les conséquences de ses démesures, qui met en exergue la fragilité de toute entreprise humaine et nous remet à notre juste place. Elle donne à voir ce sentiment d’impuissance face aux monstres que l’humain est capable d’engendrer. Plus qu’un miroir, elle est une eau translucide sur les erreurs du XXe siècle, annonciatrice de l’instabilité générale et des problématiques futures.


Mais aussi et surtout, par son récit implacable, Chernobyl est un brûlot politique saisissant sur le pouvoir du mensonge. Les scénaristes montrent comment la corruption généralisée peut amener au désastre. Ici, c’est l’URSS qui en payera le prix fort. Mais à l’heure des Fake News, des propagandes et des crises écologiques, sociales et politiques qui contaminent le monde entier, la série est une sacrée piqûre de rappel. Chernobyl va donc au-delà de l’accident, parce qu’il y a toujours un au-delà : il y est toujours question de politique, de morale et d’une vision du monde. Celle de Chernobyl est glaçante. Un signal d’alarme indispensable pour une œuvre immanquable.


Ma critique à retrouver sur Le Mag du Ciné

JoRod
9
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le 24 juin 2019

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JoRod

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