Cowboy Bebop
8.5
Cowboy Bebop

Anime (mangas) TV Tokyo (1998)

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Au rang des must-see évidents, Cowboy Bebop pourrait s’imposer comme l’anime le plus référentiel du lot - ou tout du moins pour sa génération. Les années ont de surcroît beau défiler, rien ne saurait entacher son aura sans pareille, la légende du Bebop perdurant à n’en plus finir : un odieux retard donc pour qui se prévaudrait amateur du genre sans l’avoir découvert, mais attendre que le soufflet retombe n’est jamais dénué d’intérêt, bien au contraire… même si je tergiverse et agite ce pseudo-argumentaire pour me donner bonne conscience.


Surtout que quelques années plus tard, les studios Sunrise accouchait d’une autre petite bombe : Samurai Champloo. Plus familier de l’errance délirante de son trio foutraque, le coup de cœur en bonne et due forme qu’incarnait cette production détonante n’augurait que du bon en ce qui concerne le potentiel de son ainée - elle qui fut tant acclamée, au point de garder la mainmise sur les têtes de classements de tout ordre.


Non pas qu’il s’agisse de les faire ferrailler, mais la comparaison n’est pas inintéressante : car en découvrant les titres emblématiques de chez Sunrise à « contre-courant », ce process favorise un regard plausiblement différent des fans de la première heure - là où Cowboy Bebop domine largement les débats. Bref, tout ceci pour dire que ce dernier mérite à n’en pas douter ses louanges, mais force est de constater que son « digne » successeur souligne nettement ses faiblesses : il n’est alors pas question d’une défaillance technique, de trous d’airs scénaristiques et autres fautes de mauvais goûts, non, rien de rédhibitoire au demeurant.


Néanmoins, tout de même : quid du fil rouge ? Si Cowboy Bebop ébauche ci et là des personnalités, parcours et backgrounds des plus passionnants, on ne peut que regretter que la structure narrative de la série privilégie une telle succession de sous-intrigues sans liens directs. Il subsiste bien quelques connexions lointaines, des ponts inespérés et autres déductions logiques, mais la série phare de Shinichirô Watanabe échoue à nous tenir en haleine sur la durée - chose que faisait ces fous furieux de Mugen et compagnie au moyen d’une trame simple mais diablement efficace.


C’est d’autant plus regrettable que ce mash-up de références, entremêlées avec la manière dans un superbe linceul de science-fiction, avait les armes pour voir les choses en grand : pris indépendamment, les « sessions » du show sont naturellement inégales, encore qu’aucune d’entre elles ne s’apparente à une erreur de parcours, car il en ressort très nettement une impression d’excellence - relativement diffuse par voie de conséquence. À titre d’exemples, « Asteroid Blues » ouvrait le bal d’une bien belle manière, sa résolution désenchantée tranchant d’emblée avec l’insouciance ambiante supputée ; « Pierrot le Fou » s’impose quant à lui comme le plus impressionnant tour de force de la série, celle-ci s’arrogeant en l’état un ton nettement plus sombre qu’à l’accoutumée, ainsi qu’une maestria visuelle liant épique et tension pour le meilleur.


Il faut toutefois bien convenir que le fond ne manque pas d’esprit ni d’idées, celui-ci nous présentant un duo de figures charismatiques se muant, peu à peu et inopinément, en un quatuor improbable : par leur biais, Cowboy Bebop déroule alors sans coup férir une myriade de clins d’œil, atmosphère bigarrées et, finalement, un récit lorgnant du côté de l’anticipation pas si invraisemblable que cela. Par ailleurs, bien plus méritant encore est sa représentation des genres, démontrant d’une « ouverture d’esprit » aucunement formatée, pour ne pas dire carrément en avance sur son temps.


Pour ne revenir à la fiction pure que porte Spike, Jet Black et consorts, Cowboy Bebop réalise ce qui s’apparente à une prouesse d’écriture : car si les interactions demeurent majoritairement conflictuelles, le mot d’ordre serait davantage à la retenue, la série déroulant leurs backgrounds respectifs avec parcimonie. Pourtant, à défaut d’en prendre immédiatement conscience, il s’avère que celle-ci nous administre une sacrée rafale d’empathie - remuante comme pas deux - lors de son dernier quart : au terme d’un lent, très lent, crescendo, ses figures désœuvrées comme marginales se dévoilent sans crier gare… mais avec une justesse de ton certaine.


Pour compléter ce beau tableau, cette galerie d’anti-héros mémorables s’accompagne d’un graphisme irréprochable, n’ayant en ce sens pas pris une ride : entre chara-design originaux et animation fluide à souhait, le savoir-faire de Sunrise tient de l’évidence. Et si l’on pourrait s’interroger sur la validité scientifique de quelques facteurs spatiaux (là où le divertissement prend le pas sur le réalisme), il n’en reste pas moins que le show fait montre d’un souci du détail des plus certains, propice à la représentation d’un futur pas si déconnant.


Enfin, impossible de conclure sans aborder la question de son empreinte musicale, partie-prenante indiscutable de son statut culte : ce n’est en effet pas un hasard si son titrage renvoie au « bebop », une branche du jazz datant des années quarante à laquelle y rend hommage avec un brio délectable. Et, par-delà le coup de massue immédiat qu’est son opening « Tank! » (The Seatbelts), la composition de Yoko Kanno s’apparente de bout en bout à un délice audio sans pareil, parfait support d’une savante teneur mélancolique (les tonalités typées « blues » ne sont pas en reste).


Ainsi, quand bien même la trame globale pourrait s’apparenter à une juste déception, nul doute que Cowboy Bebop constitue, envers et contre tout, une petite pépite n’ayant pas volé son succès.

NiERONiMO
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le 9 oct. 2018

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NiERONiMO

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