Game of Thrones
8.2
Game of Thrones

Série HBO (2011)

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Je suis embêté quand je dois dire comment j'évalue Game of Thrones. C'est une série à laquelle je ne trouve aucun génie mais que je continue de regarder sans m'ennuyer. Essayons de voir pourquoi.



Oh ce n'est pas qu'une question de moyens



GoT est un show ambitieux dans les moyens déployés. Que ce soit dans les décors ou les costumes on voit tout le pognon dépensé. Cela cré un confort visuel qui permet de porter l'ensemble même dans les moments de moins bien.


Il y a une volonté affichée de s'attaquer au cinéma ce qui pose à mon sens un problème structurel. Parce qu'en terme de réalisation, même si le média série a fortement progressé on reste limité en qualité par rapport à son aîné.


Le plus flagrant est quand on considère les scènes d'action, pratiquement toutes les scènes de combat mal chorégraphiées. Elles sont constituées de plans serrés qui durent 0.3sec, typique de la réal d'un film de série B qui veut donner l'impression de mouvement. Il y a bien entendu des exceptions qui envoient de l'adrénaline, aka on met tout le fric dans l'épisode 9, mais cela reste trop marginal à l'échelle de la série.


Saison 4 (exemples de bonnes séquences)


Le duel Oberyn / Mountain, l'attaque de Castle Black


Ce qui est d'autant plus regrettable que l'histoire étant adaptée d'un livre le principal territoire d'expression est la réalisation.


GoT bénéficie donc de tout un univers fourni par l'oeuvre de G.R.R.Martin. Sauf qu'elle a du mal à en faire quelque chose d'intelligent.


Déjà, il y a beau avoir un monde assez vaste, il y a peu de différences ethniques, culturelles, ... à l'exception des barbares. La plupart des villes ne se singularisent que par un aspect: il fait froid dans le Nord, il y a des esclaves à Mehren/Yunkai, on fait des partouzes à Dorne, j'exagère à peine. GoT est plus un voyage à travers différents paysages qu'un récit de civilisation.


La multiplicité des points de vue donne l'illusion de complexité mais en grande majorité la série nous propose une géopolitique simple. D'ailleurs au final l'intrigue peut se résumer à "tout le monde veut être Roi" à base d'alliances bipartites pour ou contre King's Landing. Le Nord toutefois présente un enjeu plus ambigü dans le tiraillement qu'il impose entre supériorité de l'intérêt collectif à celui particulier.


On limite ainsi les conflits à des querelles de clocher, le moteur de la vie politique étant les guéguerres d'égo de notables et ce ne sont pas les enjeux globaux qui dictent la géopolitique, ils sont survolés. Par exemple aucun personnage appartenant au peuple n'est suivi et la foule n'est utilisée à l'occasion que pour oppresser les personnages principaux (Shame).


A défaut d'avoir une profondeur dans la description générale, elle aurait pu avoir une justesse dans les relations particulières mais les intrigues amoureuses sont souvent adolescentes (Sam/Gilly, Jorah/Daenerys, John/Ygritte) et les personnages sont manichéens et n'ont pratiquement aucune psychologie. Dans le sens où ce sont les évènements extérieurs qui définissent leur comportement et non leur caractère qui les amène à faire des choix.


Le plus grand exemple est la famille Stark:


Arya et Robb deviennent des vengeurs suite à la mort de leur père. Même Théon, dont la révolte semblait motivée par son histoire de fils illégitime (aussi caricatural cela puisse paraître) deviendra Reek suite au conditionnement par Ramsay.


Autrement dit, les personnages ne sont pas acteurs de leur propre vie, ils ressemblent plus à des animaux qui réagissent à des stimuli lors d'une expérience scientifique.



La mécanique émotionnelle



GoT est célèbre pour ses twists choquants, gore, imprévisibles. Il y a dans des moments intenses que peu de séries arrivent à procurer.


Avec une spécificité, les gentils morflent aussi et aucun personnage n'est à l'abri d'un twist en sa défaveur. Cela participe à une mise sous tension latente du téléspectateur.
Même si c'est un procédé qui fait partie de la sainte trinité du soap opéra (on tue un gentil, on fait réapparaître un méchant, on cré une liaison inattendue) force est de constater que c'est bien fait.


En allant un peu plus loin on peut dire que la série repose sur un système de revanche du téléspectateur en nous forçant à regarder des scènes que l'on n'a pas envie de voir ou plus précisément que l'on ne prend pas plaisir à voir.
En règle générale un personnage subit une humiliation présentée comme injuste lors d'une scène dégradante qui va susciter un rejet moteur d'une revanche éventuelle sur l'oppresseur.


Là à mon sens on touche à l'artifice, c'est de la manipulation. Un peu comme dans un film d'horreur où on vous plonge dans une séquence silencieuse et l'on fait surgir un monstre tout d'un coup avec de bruitages tapageurs en renfort (jumpscare). Cela aura beau être efficace 90% du temps cela n'en restera pas moins un artifice peu évolué.


On peut étendre la réflexion à la totalité du show, elle procède par différenciation. Ainsi dans les oppositions de deux notables, l'un représente un point de vue immoral qui poussera le spectateur à prendre parti pour le camp adverse. Et ce indifféremment du personnage, vous pouvez vous retrouver à soutenir quelqu'un dont vous souhaitiez la mort 3 épisodes plus tôt (je pense à Cerseï dans la S5 (même si moi je dois être l'un des seuls à l'aimer depuis le début)).


Ce fonctionnement par électrochoc n'est pas viable sur le long terme à cause d'un phénomène d'accoutumance. Un peu à l'image d'un drogué dont la seule échappatoire est d'augmenter les doses ou de les rapprocher pour continuer à ressentir la substance. (cas de la saison 6)


L'autre problème que suscite cette mécanique est une rotation importante des personnages qui provoque un manque d'attachement passant d'un mode inconscient à un plus conscient (on finit par anticiper leurs disparitions) qui peut casser l'immersion.


Une scène de la saison 5 va permettre de synthétiser les derniers paragraphes:


La scène du viol de Sansa par Ramsay. Premièrement, on nous force à voir une scène choquante
qui est inutile, on a pas besoin de la voir pour savoir qu'elle s'est ou aurait pu se passer, elle appuie le côté sadique d'un personnage qu'on sait unidirectionnellement sadique.
Deuxièmement, jamais les conséquences psychologiques sur Sansa ne seront traitées, on a vu uniquement les réactions de Reek regardant, ce qui banalise l'acte (Dieu sait que je suis pas adepte du féminisme syndicaliste bas de gamme mais là c'est plus que limite). Et tout cela servira à construire la future revanche de Sansa (+Théon) sur Ramsay (et dans la S6 la seule discussion qu'elle aura sur le sujet sera un affrontement avec Littlefinger)


En définitive, je crois que l'appréciation de Game of Thrones est en fonction de l'angle dont on la regarde. En terme de récit et tout ce qui se rapporte à la qualité d'écriture (dialogues, histoire, ...) il y a trop de points faibles pour la considérer l'égale des grandes séries narratives. En revanche d'un point de vue spectacle, elle arrive à bien vendre les codes du divertissement populaire et atteint son but en fournissant son lot d'émotions brutes. A vous de juger...

Djéba
6
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Créée

le 28 août 2016

Critique lue 384 fois

Djéba

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