Master of None
7.2
Master of None

Série Netflix (2015)

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Saison 1.


S’il fallait trouver un parent à Master of None il serait à chercher du côté de Girls ou de Louie. Aziz Ansari, issu du stand-up cultive lui aussi cette volonté de créer un personnage qui serait une projection de lui-même à peine modifiée. Comme Lena Dunham joue Hannah, Louis C.K. campe Louie, Ansari là aussi acteur/scénariste se réinvente en Dev, cet acteur trentenaire new-yorkais qui enchaîne les castings anodins, fait des banales soirées entre potes ou se prend la tête sur son prochain rencard.


 Master of None est une succession d’épisodes plus ou moins reliés les uns aux autres puisqu’ils concentrent chacun, de façon plus ou moins explicite, une thématique propre que l’on retrouve dans les titres (qui apparaissent lors de sublimes génériques, discrets, raffinés) comme Old people, Parents ou Indians on TV. La série est multi référencée jusqu’à parfois tourner en boucle comme par exemple lorsque Dev, en pleine relation adultère, fait une fixette sur le Richard Gere d’Unfaithful ; Ou quand Arnold (Génial Eric Wareheim) kiffe sur Cumberbatch dans Sherlock. Le genre de focalisation qui me convient allègrement.
C’est un humour fin, toujours dans le bon tempo. Certes ça n’invente rien, mais chacun de ces dix épisodes trouve sa respiration et permet au show de l’emporter sur tous les fronts, aussi bien dans le temps qu’il accorde aux relations amicales, amoureuses et familiales (Les parents de Dev sont les vrais parents d’Aziz Ansari) que dans sa faculté de tacler sexisme et racisme ordinaire. C’est subtil et drôle. Mais toujours lucide. Il n’y a pas vraiment de suite direct entre les épisodes hormis dans sa globalité ou dans le fil romantique. C’est très libre.
J’adore Aziz Ansari. Celui qu’on avait découvert et aimer (plus que les autres ou presque) dans Parks and Recreation, prend de la bouteille et de l’envergure ici, jusqu’à devenir notre nouvel héros, optimiste mais toujours en plein doute, amoureux des tentatives et interrogations. Qui voudrait aimer à 100% mais craint en permanence de n’être qu’à 70. Il est beaucoup accompagné de la belle Noël Wells, qui incarne Rachel, sa rencontre d’un soir, sa rencontre d’un autre soir, son amie de trip à Nashville et sa petite amie. L’épisode Mornings est le plus beau de la saison. Une merveille. Mais en gros, dès Nashville, j’aime sans réserve.

Saison 2.


Aziz Ansari transforme l’essai. Après une première saison attachante, généreuse, fine, pleine de promesses, Master of None va plus loin dans ce deuxième jet, tente plus de choses au niveau formel, développe son matériau de base (Le quotidien d’un jeune trentenaire d’origine indienne : Sa famille, son boulot, ses amis, ses flirts) avec une finesse d’écriture, une élégance dans sa mise en scène (On va parfois jusqu’à rejouer des situations de grands films italiens) et sa construction, qui peut parfois rappeler les circonvolutions de Louie (Qui nous manque tellement) cette autre merveille new-yorkaise, écrite et jouée par Louis CK.


 Cette saison s’ouvre à Modène, en Italie. Dev y bosse provisoirement (Pour l’été) dans un resto de pâtes, avant de repartir pour Manhattan. Il y fait notamment la connaissance de Francesca, sa collègue serveuse, maquée, et dans un premier épisode, intégralement en noir et blanc, Master of None rejoue Le voleur de bicyclette version Le voleur de smartphone, alors que Dev avait fait la rencontre d’une fille qu’il ne reverra probablement jamais – Le smartphone est une idée forte d’entrée, d’une part car elle brise l’hommage poussiéreux, d’autre part car elle injecte cette modernité (Sans forcer les portes) pour se fondre dans un ensemble qui joue constamment de son statut de série actuelle.
C’est l’occasion aussi de placer cette saison sous une respiration très italienne – Bien qu’hormis les deux premiers épisodes, la série se déroule intégralement à New York. Deux trucs cette année donnent envie de prendre l’air italien : Master of None S2 et Ti Amo, le dernier Phoenix. Et la série en joue dans chacun de ses épisodes, aussi bien du point de vue de sa mise en scène, des clins d’œil divers, des dialogues (On y parle aussi beaucoup italien) et surtout, surtout de la présence d’un pur rayon de soleil : Alessandra Mastonardi. Francesca, donc, inutile de te faire un dessin. Après la belle Noël Wells (Rachel) l’an passé (mais qui refait une apparition brève dans l’ultime épisode de cette année) on peut dire qu’Aziz Ansari ne se prive pas.
C’est une saison très éclectique mais cohérente. Outre la virée modènienne, on retiendra en outre un épisode d’une heure, se déroulant en partie au Storm King Art Center, pouvant mettre à l’amende n’importe quelle comédie romantique. Plus tôt, il y a un épisode sur la religion, qui rappelle un autre de l’an dernier et donne l’occasion pour Aziz Ansari, accompagné de ses parents (qui jouent leur propre rôle) de montrer le fossé qui les sépare, puisque contrairement à eux, qui sont musulmans pratiquants, Dev ne pratique pas. Mais il n’ira pas jusqu’à manger du porc devant eux, quoique. Et c’est toute l’intelligence d’un épisode, très court par ailleurs (20 minutes ici, une heure là : La durée est un élément témoin de la liberté de cette série. La plupart des épisodes sont réalisés par les créateurs et Ansari se charge du plus imposant et romantique) qui interroge le dialogue père/fils, la tolérance, l’amour qui réside entre eux malgré leurs divergences idéologiques.
Au rayon des surprises, un épisode entier, intitulé New York, I love you s’amuse à filmer uniquement des figurants, comme des héros éphémères, dans une forme chorale, très élégante, où un couple/trio de personnage (C’est Dev, Denise & Arnold qui ouvrent l’épisode puis s’effacent soudainement) nous envoie vers un autre et ainsi de suite, avec un pic osé sur une discussion entre sourds-muets, discussion offerte comme si nous en faisions partie : Sans aucun son. Fantaisie comme une autre, qui pourrait ne pas fonctionner ou moins bien fonctionner, mais c’est fou ce que Master of None réussit tout ce qu’elle tente cette année.
Mais c’est un peu plus tôt que la saison m’aura offerte une première grosse baffe. The dinner party. Un épisode durant lequel Dev reçoit Francesca, de passage à New York. La dernière scène, sur la banquette arrière d’un taxi, en un seul plan accompagné de Say Hello, Wave Goodbye de Soft Cell, m’a arraché les larmes et prouve, si tant est qu’on ne l’avait pas déjà remarqué l’an passé, qu’Aziz Ansari est un grand mélancolique. Sommet de la saison, pour moi. Je ne l’ai pas vu venir. J’ai revu plusieurs fois la scène. Et j’ai beaucoup réécouté Say Hello, Wave goodbye durant quelques jours.
Un autre épisode, entier évidemment, fait le parti de développer le personnage de Denise, la meilleure amie de Dev, souvent réduite à de brèves apparitions à ses côtés. On y raconte la découverte de son homosexualité, son éloignement qu’il provoque avec sa mère et la confiance qu’elle engrange à mesure des années, puisque l’épisode cumule les repas de Thanksgiving et uniquement les repas de Thanksgiving (accompagné de Dev) entre 1995 et 2017. Autre sommet de la saison, qui raconte une fois de plus énormément du terrain familial, avec une douceur inouïe et une drôlerie magnifique (Aussi bien le running gag de Dev parlant TRES fort à la grand-mère que son échange prodigieux, une année, avec le plan cul de Denise et la répétition de son pseudo impossible (Un truc comme NipplesAndToes23) qu’elle égrène sur les forums de rencontre).
La réussite de cette saison tient aussi à la présence de géniaux personnages secondaires : Forcément Denise (Lena Waithe) mais aussi Arnold (Le toujours génial et indispensable Eric Wareheim) ainsi que Jeff (aka le chef/collègue chelou de Dev aka l’impeccable Bobby Cannavale) et bien entendu, cœur avec les mains : Francesca. Sublime Alessandra Mastronardi. Je ne sais pas si elle est tombée pile au moment où j’en avais besoin mais c’est une saison parfaite à mes yeux.
JanosValuska
8
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le 4 févr. 2016

Critique lue 454 fois

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JanosValuska

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