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Il n'est pas sûr qu'il y ait vraiment besoin de présenter The West Wing tant l'évidence qui transparaît à la vue des premiers épisodes peut résumer la suite. En effet très vite deux remarques viennent à l'esprit: la série ne peut pas tenir cette intensité pendant 7 saisons et l'on sait déjà que les personnages, même si on ne les connait pas encore vraiment, vont nous manquer quand cela va se terminer. Et le moins que l'on puisse dire c'est que si la première se vérifiera en partie, la deuxième en totalité.


Malgré tout avant d'en arriver là il y a des obstacles qui peuvent freiner les téléspectateurs habitués des séries contemporaines que nous sommes, notamment dans sa forme. Au contraire de la tendance naturelle des séries à lorgner vers le cinéma il n'y a ici pas de récit continu, on s'occupe beaucoup de l'avant, légèrement de l'après mais il existe très peu de momentums venant parachever une préparation. Qui plus est les passages orientés action sont ceux qui ont probablement le plus vieilli au niveau de la réalisation.


Pour pleinement profiter il faut intégrer que l'intérêt est plus dans le comment que dans la résolution d'un suspense inexistant. Parce qu'au final TWW est plus à rapprocher du théâtre. Déjà dans la mise en scène, on évolue 95% du temps dans les mêmes pièces ou dans un univers relativement cloisonné.


Ensuite car ses dialogues machine gun sont le moteur de l'action. C'est par eux que passe le contenu, la description d'une problématique avec les affrontements oratoires permettant d'envisager les différents points de vue. Ce qui fait qu'elle surpasse encore toutes les séries qui se sont essayées au genre depuis c'est que ce sont les enjeux politiques qui déterminent les oppositions et non une scène qui tourne à la lutte d'égo entre deux personnages (je pense à House of Cards et BOSS).


Pour ne rien gâcher ils sont drôles, il peut arriver de rire plus franchement que de nombreuses séries comiques.
Pourtant le(s) schéma(s) est souvent le même: A rencontre B, commencent à parler d'une situation, A quitte le champ pendant que C rejoint B qui lui parle de la situation initiale, C n'est pas au courant au contraire du spectateur qui s'amuse de la situation. Et cela marche même après plusieurs saisons au compteur.


Vous y rajoutez une ambiance bureau avec ses habitudes (Margret!), ses engueulades (jamais longues) créant une sorte de relation familiale et cela donne un ensemble tout à fait attachant.


Et c'est un peu con de dire ça mais regarder des gens gentils être heureux de faire ce qu'ils font dans une époque où toutes les séries rivalisent de noirceur, de cynisme sous prétexte d'une psychologisation (souvent faussement) poussée de leurs persos, ben ça fait du bien.
On a toujours les défauts de ses qualités par conséquent on pourrait lui reprocher son idéalisme parfois légèrement niais qui se traduit par 2 min dans l'épisode où on sort les violons pour une séquence d'humanisme bienveillant. Heureusement cela ne dure jamais longtemps et c'est moins fréquent dans l'après 11 septembre.


Mais comme souvent il faut aller au-delà des apparences parce que cette série révèle en fond une fatalité bien plus cynique. On suit donc principalement le Président et son staff qui comprend équipe de communication. Et ces gens-là qui ont été élus (nommés pour avoir fait élire donc élus par extension) pour avoir défendu des convictions, des intentions de changer la société, une fois en place ne devront plus communiquer que par messages neutres et se débrouiller pour en dire le moins possible. L'important n'est plus ce que vous dites ou faites mais ce qui pourrait être interprété ou choquer ne serait-ce qu'une minorité de citoyens. Et tout ceci est fait avec la plus grande sincérité, c'est à la fois fascinant et terrifiant. Mais le pire c'est qu'on en vient à les soutenir dans cette démarche.


Parce qu'il faut voir les conférences de presse (ou n'importe lequel autre événement public) où chaque mot, chaque geste est susceptible de faire dévier le sujet en fonction de ce qu'il pourrait sous-entendre, du non-dit qu'il pourrait cacher. En cela elle met bien en exergue les limites de cette obsession de la vérité (et à fortiori du mensonge) qui caractérise les sociétés protestantes, même si de notre perspective on aimerait bien avoir des journalistes aussi combatifs de par chez nous.


Je m'arrête là pour l'analyse elle brasse tellement de sujets qu'il serait interminable et inutile à moins d'être exhaustif d'énumérer tout ce qui est traité, il y a juste à savoir qu'à la fin des 7 saisons le spectateur comprend de A à Z le fonctionnement de la vie politique américaine, a reçu un cours de géopolitique internationale pour les nuls et vient aussi de multiplier son vocabulaire d'anglais par 3.


On peut toutefois dire que la série évolue dans sa forme narrative, dans un premier temps on assiste à une exposition plus informative et culturelle (par les premiers monologues de Jed Bartlett ou les dialogues Josh-Donna) où une morale est véhiculée à travers des cas particuliers, dans un deuxième (2-3 dernières saisons) elle sera plus axée sur la démonstration et la description des rapports de force avec les différentes institutions (Congrès, Justice, opposition, Situation Room).
Le tournant choisi pour les deux dernières saisons est par ailleurs audacieux, remettre un dernier coup de collier et ne pas terminer dans la facilité des rails mis en place les saisons précédentes était la meilleure chose à faire pour conclure cette étude de la politique U.S.


Si bien qu'à la fin il y a vraiment le sentiment que tout a été dit, tout a été fait, que l'on peut quitter sans regrets cet univers que l'on imagine continuer à vivre sans nous, hélas.

Djéba
8
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le 14 juil. 2016

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Djéba

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