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Voici enfin la fin de mon week-end placé sous ligne des Dix Petits Nègres d'Agatha Christie ! Dans un excès de nostalgie, en souvenir de ce roman que j'avais découvert au collège et dont seul le twist m'était resté en mémoire, j'ai passé mon samedi à re-dévorer ce monument de la littérature policière. Ceci étant fait, il m'a paru très à propos de me lancer dans cette mini-série made-in BBC, network qui inspire plutôt confiance en général. Autant battre le fer tant qu'il est encore chaud.


J'estimais, en entamant la série, que ce format avait le potentiel d'apporter quelque chose de supplémentaire à ce que l'on peut trouver dans le roman. Ce dernier est génial dans l'élaboration du crime, le déroulement mécanique d'un plan sans faille qui arrive à son terme de manière grandiose. En revanche, j'ai trouvé que les morts manquaient clairement d'impact, elle se limitait presque à une information factuelle et la seule véritable carotte est le désir de voir de quelle manière la prochaine strophe de la comptine va se matérialiser. Ainsi, pour moi, la série allait constituer un support parfait pour créer un attachement émotionnel avec nos dix protagonistes.


Donc, que retenir suite au visionnage de ces trois épisodes ? Je dirais que de manière globale, l'expérience est assez satisfaisante pour tout amateur de récit policier. Comme à leur habitude, les productions BBC sont techniquement irréprochables. Les plans sont plastiquement superbes, la mise en scène amplifie ces sentiments de malaise et de tension déjà présents dans le roman, la musique est elle-aussi dans le ton, l'ensemble finira par rappeler Shutter Island de Martin Scorsese. J'ai été particulièrement sensible à la photographie, qui rend bien compte d'une histoire sombre, désespérée, au dénouement couru d'avance et malgré tout teinte de romantisme.


Les performances des acteurs ne souffrent d'aucune fausse note. J'ai même été agréablement surpris de la performance de Miranda Richardson dans le rôle de Mrs Brent, que je m'imaginais plus vieille et plus sombre, tandis que Mme Richardson propose un personnage plus jeune mais également plus hautain et sadique, délicieusement détestable dirons nous.


Ceci étant dit, tout n'est pas parfait sur l'île du Nègre. Je trouve que l'aspect le plus intéressant de ce projet de mini-série était de voir comment les créateurs allaient réussir à moderniser ce qui est, d'une certaine manière, le père spirituel du slasher


(Marston qui meurt le premier, c'est un peu le précurseur du "connard sans valeur" qui ouvre le bal des décès).


Et quelle fut ma déception sur ce point. C'est comme si des presque 80 ans d'évolution qu'a connu le genre, ils n'ont préservé que les éléments les plus clichés et les plus décriés. En outre, la romance, désormais quasi omniprésent du cahier des charges de toutes les grosses productions actuelles, et enfin le cerveau derrière le drame qui se révèle à la toute fin pour expliquer ses motivations, son mode opératoire, dans le plus grand des calmes. Oui, ça pique les yeux. De même, certains remplacements paraissent assez inutiles (pourquoi remplacer un objet non identifié par un télescope ?!) et les ajouts ne sont pas toujours heureux (les bacchanales, complètement hors de propos et surtout grosse ficelle pour mener à la scène de sexe...). L'emphase est ici beaucoup trop prononcée sur Vera Claythorne,


ce qui révèle quasiment son statut de last woman standing à l'avance.


On pourra aussi râler à cause des flashbacks qui arrivent toujours au mauvais moment et de manière beaucoup trop intempestive. A la fin de la série, il ne reste au final que très peu de mystère, de secret. C'est un peu le reproche que je ferais également au livre, l'aura de l'ouvrage n'aurait été que plus grandiose si l'épilogue ne révélait pas ce qui s'était réellement passé. Après, ça n'est que mon parti-pris, mais ce qui est particulièrement énervant avec la série, c'est le manque de subtilité employé pour apporter les réponses.


Cette mini-série n'est donc à mes yeux qu'un demi-succès : si l'intrigue se suit sans déplaisir, en grande partie en raison de la mise en scène, des performances d'acteurs et surtout de la photographie, l'ensemble se rate dans l'actualisation du récit, en ne faisant quasiment jamais les bons ajustements par rapport à l’œuvre originale. Reste donc un bon polar à mater tranquille un dimanche après-midi après un bon repas. Ni plus, ni moins.

remimazenod
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le 18 juin 2017

Critique lue 376 fois

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Rémi Mazenod

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