Allen v. Farrow
6.6
Allen v. Farrow

Série HBO (2021)

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Pas terrible ce documentaire.


Bon, en premier lieu, je trouve ça plus intéressant quand un auteur de docu, même s'il a nu point de vue qu'il veut défendre, s'intéresse un peu plus honnêtement aux arguments adverses (qu'on interviewe ou pas les 'ennemis'). Ici, dès le début, on sent que Woody est un sale type et que toute sa défense est basée sur le mensonge. Peut-être est-ce vrai, peut-être est-ce faux.


Moi ce que je sais, c'est que j'ai eu écho de l'affaire par le côté de Woody en premier ; j'étais donc plus favorable à sa version des faits. Ce docu permet d'avoir la version de Farrow, ça rééquilibre et là maintenant j'avoue que je suis perdu, mais de toutes façons, on s'en fout, parce que c'est pas à nous de décider qui est coupable de quoi !? Cela me rend fou que certains s'allient avec Woody et clament son innocence et d'autres l'inverse... nous n'en savons rien voilà la réalité. À défaut de n'avoir pas pu être présent ce jour-là, il faudrait au moins que l'on soit confronté à TOUTES les pièces, toutes les preuves allant dans un sens ou dans l'autre, ce qui n'est clairement pas le cas, même avec ce documentaire où l'on nous dit avoir eu accès à des pièces mais où nous n'aurons droit qu'à de simples témoignages écrits ou oraux.


Ce que fait le réalisateur ici en discréditant Woody, c'est exactement ce qu'on fait les défenseurs de Woody à l'encontre de Mia, c'est-à-dire prendre la moindre phrase et y déceler le mal. Par contre, quand il s'agit de présenter ceux qui sont défendus, on en tire un portrait larmoyant. Toujours la même stratégie. C'est nul. Un peu de neutralité que diable ! Et surtout, s'intéresser aux faits avant tout.


C'est certainement trop long. D'ailleurs après le premier épisode, on se demande vraiment de quoi on va nous parler. Sans même être encore entré dans les faits, on sait déjà que Woody est coupable, Mia innocente et Dylan une victime. Le second épisode renforce ce constat. Le troisième amène des éléments supplémentaires et est sans doute l'épisode le plus pertinent. Le quatrième c'est surtout du drama (qui était déjà présent dans les autres épisodes quand même).


Les deux premiers épisodes sont assez horribles à regarder, dans le sens où l'auteur va principalement s'intéresser à présenter Mia Farrow, Dylan et Ronan comme des êtres très bons. Quant à Woody, si on nous le présente d'emblée comme un génie, très vite on égratigne son image en déterrant le moindre fait suspect. Il aurait déclaré à 5 ans qu'il était amoureux d'une fille qui a 4ans que l'auteur aurait été capable d'utiliser cette information pour sous-entendre que le monstre était déjà là. Et il en va ainsi pour beaucoup de déclarations faites par les amis de Mia Farrow. C'est assez hallucinant. Il y a aussi un passage dans le second épisode si je me souviens bien, où l'on évoque brièvement d'autres affaires similaires, dont on n'est pas plus sûr de la culpabilité de la star qu'ici ; pas grave, l'auteur fera comme si on avait tranché, que ces personnes sont aussi des criminels, sans chercher à nuancer, sans chercher à creuser, comme si c'était juste blanc ou noir.


Le troisième épisode est plus intéressant puisqu'on s'intéresse un peu plus aux faits, au déroulement dans le tribunal. Cela manque de preuves plus convaincantes, n'empêche que là au moins ce n'est pas juste la voisine qui se croit psychologue depuis qu'elle a convaincu son mari de l'aider à faire la vaisselle et qui nous donne sa version des faits, non, ici on a droit à des extraits plus précis de ce qui a été dit, on met en commun des contradictions.


L'épisode 4 est un peu dans la continuité du 3ème mais revient malgré tout à l'hypocrisie des deux premiers épisodes, où l'on dresse le même genre de reproche que l'équipe de Woody avait faite. Ha bon ses avocats ont prétendu qu'il y avait des contradictions, ben nous aussi on va vous dire qu'il y a des contradictions. Mais c'est idiot, parce qu'ils ont passé 2 épisodes à décrédibiliser les contradictions pour après reprendre cet argument qui a perdu sa valeur...


De manière générale, c'est assez gerbant vu la manière dont sont présentées les victimes : des déclarations philosophiques épiques, des silences dramatiques, des pleurs qui appellent à l'empathie... un procédé de grosse pute, si vous me permettez l'expression. Et qui est plein de contradictions car voir Dylan raconter sur un ton mélodramatique qu'elle n'est pas en quête de célébrité alors qu'elle est dans un docu de 4h consacré à cette affaire qui fait de plus en plus de bruit... En plus on a droit à des petites scènes de vie. mais ça c'est juste chercher l'empathie du public, ce n'est pas défendre un cas. Montrer sa détresse ne devrait pas avoir d'impact sur le parti à prendre, c'est ce que le clan Allen fait aussi, et c'est tout aussi vicieux.


On peut donc s'interroger sur les vrais enjeux de ce docu. Et s'attrister de voir que les deux clans sont juste de grands manipulateurs, s'accusant l'un l'autre de choses qu'ils font aussi. Du coup, difficile de prendre parti : qui a raison qui a tort ? Je l'ignore.


La mise en scène est assez pénible : de longs entretiens. Les décors sont jolis, la photographie est assez soignée et on se croirait même parfois dans une fiction, tant la compo est agréable, le flou bien géré et l'effet dramatique accentué. Mais c'est peut-être un problème aussi : comment ne pas avoir l'impression d'être face à du faux quand le réalisateur emprunte tant à la fiction ? Avec en plus un montage appuyant avec beaucoup d'excès les déclarations larmoyantes, les silences tristounets.


L'on trouve aussi des images d'archives, des extraits sonores, des retranscriptions écrites de ce qui a été dit. Cela permet de changer un peu d'air, c'est pas plus mal. Mais en soi, au final, le visuel n'a que peu d'importance et l'on peut très bien faire autre chose en écoutant cette série.


Parfois une idée de mise en scène et de narration émerge, comme confronter Dylan à son 'prosecutor' ou suivre de manière plus naturelle le quotidien de Dylan, mais c'est un peu maladroit, ça tombe surtout dans le drama et n'alimente donc pas très pertinemment le sujet.


Un petit mot quand même sur l'homme et l'artiste qui revient quand même souvent dans les débats au sujet de cette affaire. J'aime les films de Woody Allen. Peu importe ce qu'il pourra faire : violer 10 gamines en série, diriger un camp de concentration ou quoi. Je continuerai de regarder ses films. Je ne vois pas pourquoi je ne le ferai plus. Nous avons tous plusieurs facettes à notre personnalité : c'est le Woody artiste que j'aime, ses autres facettes, je ne les connais pas, donc je ne me prononce pas dessus. Je ne vais pas réduire un être vivant à une facette, ici en l'occurrence, si c'est vrai, un viol sur mineure. S'il doit faire de la prison je ne m'insurgerai pas non plus. Je croiserai juste les doigts pour qu'il puisse sortir et faire un dernier film avant de mourir. Ou écrire des scénarios pendant qu'il est emprisonné. La cancel culture, c'est une réponse de couillon : on ne veut pas avoir à dealer avec un problème alors on s'en débarrasse. Peut-être au contraire qu'on peut analyser. Et puis n'oublions pas que l'homme influe sur l'artiste, et que si Woody n'était pas ce qu'il est, ses films n'auraient pas vu le jour.


J'aimerais rappeler aussi à tous ces social justice warriors, que nous sommes tous coupables de crimes à notre échelle. Nous ne sommes pas tous des violeurs de fillettes, non, mais nous avons tous fait du mal à quelqu'un, profité, abusé, etc. c'est malheureusement le propre de l'homme, parfois on ne s'en rend même pas compte. Alors demander à exclure des gens ou refuser de travailler avec eux sous prétexte que leur crime a été reconnu, c'est une très grande hypocrisie, car cela sous-entend que tant que personne n'a prouvé que vous êtes ce que vous êtes (un criminel), vous êtes acceptés.


Bref, pas vraiment convaincu par cette série. Pire, je trouve qu'elle met en avant la mentalité actuelle de notre société, une mentalité que je méprise.

Fatpooper
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le 24 oct. 2021

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