Avant un nouvel espoir il y avait... Andor.
Préquelle de l'excellent Rogue One, Andor a pour ambition de nous plonger dans le quotidien d'un Empire de plus en plus autoritaire.
"Il y a des héros dans les deux camps. Le Mal est partout."
En résulte une ambiance comparable à celle que l'on peut retrouver dans les romans de l'Univers Étendu, où l'on nous présente des intrigues et des personnages complexes, et des enjeux "morally grey". C'était déjà la cas dans Rogue One, ça l'est encore plus ici.
Nous suivons ainsi un groupe de rebelles qui n'hésitent pas à tuer ou laisser mourir y compris les leurs afin de préserver leurs intérêts, mais aussi l'histoire d'amour entre deux fonctionnaires impériaux zélés (meilleur ship depuis Han et Leia imo).
Cela dit, est-ce vraiment ce que l'on attend de Star Wars ? Cette franchise aurait-elle eu autant de succès sans sa tendance au grandiose, au manichéen, au merveilleux ? Peut-être pas, ce qui n'empêche pas Andor d'être un véritable tour de force et probablement la meilleure série Disney+ à ce jour.
Pourtant, tout comme dans les romans, cette approche a ses limites. Les impériaux restent des salauds et des sadiques, quant aux rebelles... Eh bien par exemple, aucun détail ne nous est donné quant au background des prisonniers de Narkina 5. En parlant de Narkina 5, l'arrestation de Cassian, à la fois absurde et cauchemardesque, revêt certes un intérêt narratif mais fait nécessairement perdre une part de suspension d'incrédulité.
Cassian, le bg à la plot armor tellement solide qu'il marche tranquille au milieu d'une bataille ultra-violente, main dans la poche et ICBM au bras. Qui attend la dernière micro-seconde pour quitter un sol sur le point de s'électriser. Personnage qui donne son nom à la série, et pourtant personnage parmi tant d'autres, un peu comme dans FMA ; pourtant passif, son cheat code lui attire la convoitise des rebelles et l'inimité de l'Empire.
Se déroulant 5 ans avant la Bataille de Yavin, la première saison d'Andor est composée d'arcs narratifs sans césure et s'étale sur une bonne année. La seconde saison couvrira les 4 années restantes, et l'on peut imaginer que les arcs narratifs seront alors beaucoup plus hermétiques. C'est assez peu par rapport aux ambitions de la série. Déjà dans le dernier épisode, on a pu constater un montage maladroit et une intrigue téléphonée. 3 saisons aurait été plus confortable, mais ne boudons pas notre plaisir après les décevants Boba Fett et Obi-Wan, et plus globalement tout l'univers mis en place autour du Mandalorien, qui se dirige vers une usine à gaz comparable au MCU.
Mentionnons le soundtrack (trop) épuré de Nicholas Britell. Très faiblard surtout en début de saison, et faisant penser à du Zimmer molasson, il a tout de même sur le long cours su imposer sa patte et nous délivrer quelques pépites. Convenant au style particulier d'Andor, il n'atteint pas la virtuosité de Ludwig Göransson mais met à l'amende le travail décevant (surtout après Loki) de Natalie Holt sur Obi-Wan, dont le soundtrack n'a été sauvé que par la contribution de William Ross.
Notons enfin qu'Andor n'a apparemment pas été très mise en avant par Disney. Plusieurs théories expliquent cette promo limitée, allant de la maladresse, au fait que la série soit vue comme un produit de niche, en passant par la crainte de Disney de surélever les attentes du public avec une production aussi qualitative... ce qui est étrangement plausible.
Andor est pourtant, au final, un nouveau point d'accès à Star Wars et pourrait attirer un nouveau public qui n'aurait pas à faire ses devoirs pour l'apprécier. Préquelle de préquelle à la tonalité novatrice, ses références sont soit très accessoires (les antiquités de Luthen) ou alors renvoient aux événements (futurs) de Rogue One, en particulier son climax perclus de décès, son coucher de soleil atomique et surtout le "Climb" agonisant de K-2SO.
Edit saison 2 - Il y a toujours un plus gros poisson :
La seconde saison est venue conclure la série de façon satisfaisante, quoiqu'avec un final un peu faible, à moins de considérer Rogue One comme le véritable final (ou Un Nouvel Espoir, comme le suggèrent les chantres de cette trilogie alternative). Prévue au départ pour 5 saisons, le réalisme temporel aura mené Tony Gilroy à concevoir cette conclusion en plusieurs arcs séparés chacun d'une année jusqu'à la famosa Bataille de Yavin, mise en scène dans les années disco.
Cette saison 2 corrige l'un des principaux défauts de la première, à savoir la quasi absence de non-humains dans le casting (figuration comprise). Les décors, de par la louable volonté d'authenticité, manquent toutefois toujours du grandiose habituel de la galaxie lointaine ; au point que le Sénat Galactique pourrait n'être qu'un simple bâtiment bruxellois...
Cette saison 2 met en scène le massacre de Ghorman, aka "la France de l'Espace", déjà mentionné dans le vieil Univers Étendu et dans Rebels (ce qui a donné lieu a une réécriture du fameux discours de Mon Mothma, expliquée de façon alambiquée qu'on apprécie ou pas). On retrouve avec surprise (mais une surprise bienvenue, comme le dirait Palpatine) une partie du casting d'Un Village Français, dont Gilroy est fan.
Notons que cela intervient quelques mois après l'apparition tout aussi inattendue de Matthieu Kassovitz dans la sympathique Skeleton Crew.
Si d'aucuns estiment que cet acte est la partie la plus aboutie de la série, et le chauvin que je suis ne demande que ça, pour ma part c'est le premier épisode du dernier acte, où l'on suit une Kleya (brillamment interprétée par la novice Elizabeth Dulau) aux abois et où l'on découvre enfin la nature de sa relation avec Luthen, qui m'a vraiment pris aux tripes.
Pour finir, je classerai Andor dans la même catégorie qu'Arcane : une série d'excellence du début des années 2020, franchisée et s'adressant à un public similaire mais restant totalement accessible malgré son héritage, programmée pour 5 saisons mais réduite à 2 face à la réalité matérielle d'une production d'une telle exigence, avec une seconde saison (sortie 3 ans après la première) rushée, ce qui implique des raccourcis parfois malheureux.