Poker Face

Il est à noter que malheureusement la plupart des plateformes VOD ne proposent que la version courte de Anna, la version Director Cut qui s'étale sur 8 et non pas 6 épisodes étant très dure à trouver. Je n'ai eu accès qu'à la version de Prime Video et j'ai dû donc m'en contenter. Ce K-drama qui va tourner autour d'un drame psychologique saupoudré de thriller, va nous narrer sur plus de 30 ans le parcours d'une femme dont le chemin de vie a été fortement marqué par une rencontre à priori anodine durant son enfance. Des "Anna" tu en as peut-être croisé(e) dans ta vie, sans savoir vraiment qui se cachait derrière le masque. Comme l'aurait dit la célèbre femme de lettre britannique du XIXème siècle Virginia Woolf, "Si vous ne dites pas la vérité sur vous-même, vous ne pouvez pas la dire sur les autres." Anna c'est avant tout l'histoire d'une femme issue d'un milieu pauvre qui a rapidement compris que pour réussir, il fallait s'inventer un vie, et en l'espèce, voler celle d'une autre. Bien entendu, il faudra à un moment en payer le prix fort.

Le drama va découper la vie d'Anna sur plusieurs époques, depuis sa petite enfance en 1986, jusqu'à la conclusion qui arrivera en 2020, soit près de 35 ans plus tard. Le gros problème c'est qu'elle est sensée avoir près de 40 ans à la fin, mais Bae Suzy n'a subit aucun maquillage de circonstance durant toute cette évolution, donc niveau crédibilité ça pique un peu. Voyons voir à présent le fons du sujet. Lee Yu-Mi(Bae Suzy) vient d'un milieu très modeste. Vers 5 ans, sa rencontre avec une femme de militaire américain va inconsciemment modeler sa vie future. En effet, elle lui avait dit: "Ne laisse jamais les autres lire en toi, uses de la Poker Face”. Le premier grand tournant, c'est lorsqu'elle doit quitter brusquement quitter le Lycée (no spoil). Elle est détruite intérieurement. Son premier gros mensonge arrive un peu plus tard, quand elle fait croire qu'elle a été acceptée à la fac. Durant toute sa vie, une seule femme aura du crédit à ses yeux, son amie Han Ji-Won(Parc Ye-Young), qui deviendra plus tard une grande journaliste, et à qui elle dira la vérité. Croulant sous les dettes contractées par ses parents, elle fera tous les petits boulots durant des années, dans une solitude totale. Elle fera croire qu'elle est partie étudier à New York. Sa rencontre avec Hyun-Joo(Jung Eun-Chae), la vraie Anna, la fille d'un couple riche, va la faire rentrer dans une autre dimension.

A chaque début d'épisode, une phrase de Yu-Mi/ Anna va être martelée: “Il en a toujours été ainsi, ce que je décide je le fais”. Si Yu-Mi a décidé de voler la vie d'Anna pour se la réapproprier, c'est avant tout à cause de la peur du vide, mais aussi de la peur de l'échec et du rejet des autres. Entre frustration, incompréhension et injustice sociale, elle va opter pour la facilité et la simplicité. Son principal atout, c'est qu'elle est convaincante dans ses mensonges, personne ne remet en cause ses compétences, et surtout elle ne doute pas d'elle. Son mariage avec Choi Ji-Hoon(Kim Joon-Han) est factice, c'est juste pour obtenir un rang social élevé. Là aussi, tout cela repose sur un mensonge, mais un mensonge qui est partagé et consenti des deux cotés. En effet, on apprendra que Ji-Hoon est une belle ordure qui se sert de Anna pour arriver à ses objectifs politiques et de détournements de fonds. Car si Anna ment, ce n'est pas pour nuire à autrui mais pour se créer une carapace et cacher sa fragilité. Elle hait surtout ce qu'elle a été. Ce qui frappe chez elle depuis toutes ses années, c'est une solitude constante, presque maladive. Elle n'agit pas, elle subit en silence. Elle sait qu'elle va droit dans le mur. Mais le problème c'est qu'en ayant épousé un personnage public, son passé va la rattraper et causer des dommages collatéraux lourds de conséquences. En parallèle, Ji-Won mène une enquête de longue haleine pour découvrir qui est vraiment Anna. J'aimé le personnage de Anna car on a du mal à vraiment détester ce qu'elle a fait. A plusieurs moments son ancienne condition de vie et son passé lui sauteront à la figure et la ramèneront sur terre.

Au fur et mesure du drama, on apprend à la comprendre et avoir de la compassion pour elle, même si une personne va mourir par sa faute. Le plus horrible c'est que je n'ai ressenti aucune empathie envers cette dernière. D'après moi, c'est notre environnement familial, amical et professionnel qui font ce que nous sommes, en plus d'un caractère natif qui nous est propre. Anna s'est construite sur des mensonges depuis son enfance, et a abusé de cette arme au court des différentes périodes de sa vie grâce à un talent inné de l'esbrouffe et un aplomb à toute épreuve. L'intrigue est assez facile à suivre et à deviner, parce que tout est axé sur le personnage principal, les autres protagonistes ne sont là que pour venir étoffer sa personnalité. De base, ce n'est une mauvaise personne, ses choix elle les a fait en toute conscience. Elle éprouve de la peine, des remorts et de la compassion, et même de la culpabilité vers la fin. C'est elle même qui décide de mettre fin à toute cette mascarade en préparant une vengeance dangereuse, car son mari a toujours un coup d'avance. La réalisation est à la hauteur et on ne tombe jamais dans le piège du pathos. Si l'histoire n'a rien d'extraordinaire, c'est avant tout la mise en scène et la photographie qui valent le détour. Et je suis retombé amoureux de Suzy, que j'ai trouvé excellente. Elle interprète son personnage de manière magistrale, tout le contraire de l'insipide "Genie, Make a Wish". A la fois forte et fragile, on ne peut rester insensible à son parcours de vie, à la fois sombre, pathétique et mélancolique.

Anna est un drame psychologique focalisé sur une seule personne. Il pourra s'avérer être clivant pour certains. Tout n'est pas parfait, et il comporte de nombreuses lacunes. Je n'ai pas trop aimé le fait qu'on appuie trop sur le manichéisme ambiant, qui tend à stigmatiser le fait que tous les riches sont des pourris et que tous pauvres sont des malheureux à plaindre. Tout le poids du drama repose sur les épaules de Anna, et par moment on va ressentir des longueurs inutiles, malgré un rythme à la fois posé et lancinant. La partie thriller est réduite à sa portion congrue, ce qui est dommageable. Ce qui m'a le plus gêné c'est ce parti pris d'étaler cette lecture sur une période de 35 ans, même si je peux comprendre que la trame narrative est importante pour mieux comprendre l'évolution du personnage. Cette série réclamera une certaine exigence d'attention de votre part. Il y a beaucoup de passages bouleversants qui ne vont pas laisser insensibles. On ne peut pas rester stoïque devant ses choix de vie. Mais paiera t-elle vraiment les conséquences de ses choix, ou bien sa destinée prendra t-elle un autre chemin? On voit bien que la conclusion a été montée à la va vite, et que des séquences entières ont été supprimés, par ce que le dénouement arrive de façon brutale et rompt avec le rythme de base. Dommage de ne pas avoir eu accès à la vraie version.

J'étais parti pour mettre 6 à cause de la conclusion qui apparait bâclée et un peu vide de sens, mais cette série mérite le détour, et si vous êtes amateur du genre, je vous la conseille, surtout que le traitement de l'usurpation d'identité dans ce cadre là est assez rarement évoqué dans les séries. Encore un mauvais choix de la VOD de nous proposer que la version édulcorée, on repart un peu frustré, avec un sentiment d'abandon. On a l'impression que ça finit en eau de boudin, comme si c'était marqué "A suivre". Au pire il reste le le roman duquel est issu le drama si vous avez vraiment aimé.

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