Encore une série policière mais quelle série! J’ai découvert « Après la nuit » sur la plateforme France.TV. Ce « quoi ? De quoi m’accusez-vous ?» inicial : une claque. Le sujet est grave (viols). Les premières scènes de la série plutôt violentes réveillent des angoisses et des peurs bien réelles chez les femmes. Le malaise est installé.
4 femmes. 4 réactions différentes. 4 voix de femmes victimes qui trouvent la force et le soutien de poursuivre leur vie (enfin presque, mais je ne veux pas spoiler). Chacune raconte. Ce sont les filles et les femmes qui, face caméra, racontent leurs questionnements et réponses à la fois: la honte, la culpabilité, la colère, la rage, les pensées …Elles nous parlent comme elles se parlent à elles mêmes, à haute voix, pour s’entendre parler et pour se prouver qu’elles sont encore vivantes. Ces femmes nous adressent un au secours et/ou un témoignage et/ou une preuve de vie et nous ne pouvons plus rester sourds quand ces voix ne font plus qu’une pour mieux se faire entendre (1 pour tous et tous pour 1?).
Ces viols impactent, parfois détruisent, la vie des personnages qui entourent les protagonistes, la vie des époux et de la famille des victimes : ici aussi il y a ceux qui se construisent, ceux qui se reconstruisent et ceux qui se perdent... Et je ne veux pas passer sous silence les 3 mères ou grand mères qui ne veulent pas voir : l’une parce qu’elle veut protéger son fils, l’autre parce qu’elle ne pense qu’à la bienséance et aux affaires et la dernière qui en conscience affirme « je sais ce que je veux voir ». Et en effet il s’agit bien de briser des silences. Les silences sont coupables et tous les personnages (féminins et masculins) en souffrent
Le jeu des acteurs est impeccable, tout en retenue (Charlie Bruneau, Raphaël Lenglet, Alice Daubelcour, Antoine Hamel, Jérémie Poppe, la révoltée Marie Mallia, Myriam Bourguignon, Ludmilla Dabo… ). Il est magnifiquement accompagné d’une lumière d’une rare qualité dans les séries TV : au service du récit et des ambiances, elle interpelle aussi les spectateurs reprenant ainsi le langage de la caméra face à face.
Quant à l’intrigue policière, elle est secondaire (qui est ce violeur en série?) mais le suspens est maintenu.
La scène finale, pleine d’espoir malgré le lieu, renvoie aux propos de l’une des victimes (« parfois c’est à partir du laid qu’on construit du beau ») et c’est peut être cela le pouvoir de certaines femmes victimes qui veulent rire - bien qu’elles se demandent si c’est autorisé ou si c’est possible - car elles veulent (re)vivre. Paradoxalement c’est le pouvoir des femmes de voir ce qu’elles veulent voir. C’est ce qui permet à la gendarme de penser qu’un des personnages masculin part sans dire mot par courage alors que cela pourrait être une fuite ou un aller ailleurs pour mieux se reconstruire.
J’ai adoré cette série : le traitement du sujet centré sur les victimes, les femmes violées, et non sur « le méchant et horrible coupable et criminel », une photo magnifique et des personnages complexes, forts et fragiles à la fois qui n’obéissent qu’à l’espoir et à l’amour (amour des autres, envers les autres et envers soi, bref amour de la vie). Après la nuit, le jour se lève...