Cette série réalisée par Rainer Werner Fassbinder ne vaut franchement pas le roman d’Alfred Döblin dont elle est adaptée. Même si elle n’en a pas l’air, je trouve que l’adaptation est un peu trop libre. Je sais bien qu’une adaptation ne retranscrira jamais un livre exhaustivement mais celle-ci, en plus de taire certains points de l’intrigue, en transforme d’autres. De même, certains acteurs ne correspondent pas du tout aux personnages qu’ils interprètent malgré le fait que ceux-ci aient été décrits avec des caractéristiques précises dans l’œuvre originale.

Lina par exemple est jouée par une actrice au corps svelte ce qui lui fait perdre son charmant surnom de « la grosse » ; la concierge, assez invisible dans le livre est ici un personnage terriblement indiscret, ce qui me l’a rend insupportable ; ou encore Mièze, censée être une très belle femme de petite taille est dans cette série une femme de taille et de beauté moyennes.

Outre ces personnages complètement métamorphosés, des situations ayant une longue durée dans le roman, comme lorsque Franz Biberkopf, le héros, vend ses journaux, sont ici réduites à quelques minutes dans un épisode. Dans un film classique de deux heures, j’aurais compris que l’on ne puisse pas vraiment tout développer mais dans une série où le temps n’a pas l’air d’être une contrainte cela me laisse un peu dubitatif.

Ce sont certes des détails, mais des détails qui m’ont bien agacé.

Rainer Werner Fassbinder n’a cependant pas lésiné sur la mise en scène. Il a eu entièrement raison, rien ne vaut une réalisation recherchée pour adapter correctement une œuvre où le schéma narratif n’a rien de traditionnel, telle que celle d’Alfred Döblin. Je l’ai cependant trouvée inadaptée à certains moments, par exemple lorsque les pensées de Franz Biberkopf sont retranscrites à l'écran. Le procédé utilisé, au début surprenant, devient vite ennuyeux de par son utilisation abusive. Pour vous donner une idée, on assiste à chaque fois à une scène figée où l’on entend seulement la voix de notre héros ou du narrateur dans un monologue intérieur.

De même durant tout le roman, des souvenirs et des idées reviennent souvent à l’esprit de certains personnages, comme pour tout être-humain normal. Fassbinder a cherché à montrer cela dans sa série en insérant des petites scènes dans l’intrigue principale mais là aussi la méthode employée révèle ses limites. Elle se montre au début plaisante pour devenir par la suite très redondante puisque ce sont toujours les mêmes scènes qui reviennent encore et encore.

L’ambiance avec ses lumières tamisées la plupart du temps est digne du moment où a été tournée cette série, les années 80. C’est pour moi à la fois un défaut et une qualité, défaut car l’histoire est censée se passer à la fin des années 20 et qualité car de cela se dégage une atmosphère particulière. Cette atmosphère, présente dans toute la série, est néanmoins à décrier lorsque l’on sait que celle du livre est plus froide, plus oppressante lorsque Franz fréquente les bas-fonds de Berlin. Contrairement aux Soprano, où un personnage peut mourir ou se faire violemment chahuter n’importe quand, il n’y a pas vraiment de tension dans cette adaptation de Berlin Alexanderplatz.

Toutefois, étant donné que je connaissais déjà tous les ressorts de l’histoire, il n’y avait pas réellement de suspens pour moi... De même, contrairement au livre, cette série ne m’a pas beaucoup fait rire, et ce sûrement parce-que les situations cocasses dans lesquelles se mêle et s’emmêle Franz Biberkopf m’étaient familières.

Enfin, La bande originale est très bonne, particulièrement la musique utilisée pour le générique. Mais ici également, du fait de son omniprésence et de son manque de variété, elle finit par ne plus très bien coller aux situations et lasse le spectateur que je suis.

Cette adaptation achève de montrer ses limites lors de son final que j’ai trouvé des plus ennuyeux. J’avais hâte que tout cela se termine. Néanmoins, ce n’est pas pour autant que cette série mauvaise. C’est seulement que, avec ou sans "petit schnaps", Berlin Alexanderplatz se savoure mieux en le lisant qu’en le regardant.
NRostov
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le 11 mai 2014

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