La série reprend un peu les codes du rise & fall, ambiance gastronomie, cocktails et drogues, aussi bien dans son fond que dans sa forme. Je trouve qu’elle met un peu de temps à démarrer, il faut attendre la fin du deuxième épisode pour vraiment se prendre au jeu, ce qui est long pour une série de seulement huit épisodes.
Le Black Rabbit, c’est ce restaurant-bar un peu VIP, monté par Jake et son frère Vince, deux gars du coin qui « s’en sont sortis ». Enfin, surtout Jake, le patron du bar, entièrement dédié à sa vie pro, prêt à tout pour racheter une enseigne prestigieuse, révéler une super cheffe, fédérer une équipe soudée. En tout cas, c’est ce qu’il croit. Parce qu’en réalité, tout commence sur un malaise autour de la barmaid Anna et des soucis financiers qu’on semble ignorer. C’est sur ce fond trouble que Vince revient. Et on comprend vite que c’est le « frère prodigue », celui que Jake adore mais qui a la poisse, toujours dans les coups foireux, pas très malin mais plein de cœur. Il a été évincé du bar à cause de son côté autodestructeur, et son retour met immédiatement Jake dans la panade, voire met tout le monde en danger.
Très rapidement, l’image du patron qui réussit et du resto branché parfait se fissure. Le milieu de la restauration est souvent présenté comme une grande famille, mais ici, ce n’est qu’un vernis. Et ce vernis craque. Jake, c’est aussi le transfuge de classe qui veut tout contrôler, qui vit dans un bel appart, qui s’habille bien, et vise la gloire. Mais qui pour ça magouille, détourne. Quand il découvre que Vince est en bisbille avec la mafia locale, Jake les connait, depuis longtemps.
Globalement, on a la collision de deux arcs narratifs assez classiques : le rise & fall et le retour du frère paumé. Ce sont des mécaniques bien connues, et leurs déboires avec la mafia restent relativement attendus. Ce qui est un peu dommage, c’est que la série se veut plutôt dramatique sur la plupart de ses sujets, mais elle introduit aussi des personnages à la limite de la caricature. Vince a un côté pataud dans ses décisions, les deux mafieux sont parfois grotesques, presque comiques, mais le ton ne va jamais jusqu’à l’absurde, donc ce potentiel-là reste sous-exploité. Au deux-tiers, la série met enfin les gaz avec un flash-back sur le passé, sur la relation entre les frères, qui apporte plus de profondeur. Mais c’est aussi parasité par pas mal d’intrigues secondaires qu’on relègue vite, alors qu’elles auraient pu être de vrais sujets. Je pense en particulier à Anna. Ce qui lui arrive est fort, et déclenche des questions sur la responsabilité collective, sur le climat de travail. Mais on passe à autre chose, c’est balayé. Sur le dernier épisode, qui se concentre presque uniquement sur Jake et Vince, tous les personnages secondaires disparaissent sans vraie conclusion. Jake parle une dernière fois à Vince, puis plus rien. Il n’y a pas d’échange avec les autres. Chacun vit sa vie séparément, sans vraie catharsis. La série n’assume pas ses enjeux jusqu’au bout.
Cela dit, la série est plaisante à regarder. J’ai particulièrement aimé la fuite en avant de Vince dans les rues de New York la nuit. La ville y est si hostile, lumineuse et froide. Cela crée un contraste fort avec la chaleur du Black Rabbit. Ça fonctionne, ça touche. Et sur le plan technique, c’est plutôt bien fait. Rien d’incroyable, mais rien de mauvais. C’est sobre, sombre, mais ça colle à l’univers nocturne. Jude Law et Jason Bateman forment un duo très crédible. Leur alchimie en fratrie fonctionne bien, et c’est important, vu que la série repose en grande partie sur eux. Leurs échanges dans les dernières scènes sont parmi les meilleurs moments du show. On sent que la série a été écrite autour d’eux.
Black Rabbit est agréable à regarder, mais ne dépasse jamais vraiment ses propres codes. Elle a des ingrédients intéressants, mais elle ne les assemble pas jusqu’au bout. C’est un plat réconfortant, de la bistronomie même, avec quelques bonne surprises.