Hank Maudit ?
Il n'est pas évident d'écrire sur Californication tant la série suscite chez moi des sentiments contradictoires. Aussi, commençons peut-être par ce qui m'apparaît comme positif : -La série est...
le 27 juil. 2013
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On devrait interdire Californication. Par décret. Par décence. Par pitié. Pour le bien-être des familles, des psys de banlieue et des intellectuels végétaliens qui croient encore que l’homme est bon par nature. Cette série est un danger public, une flaque d’immondices affectives où l’on patauge avec un plaisir coupable, les mains sales et le cœur bancal. C’est la pornographie de l’âme contemporaine, mais avec des dialogues écrits à la vodka par un type qui a lu Flaubert en cellule de dégrisement. Et pourtant, c’est une merveille.
On y suit Hank Moody — nom prédestiné, mi-dépressif, mi-légendaire — écrivain maudit, génial, criblé de sperme, de sarcasme et de remords. Un homme qui pue le cuir, le regret et le whisky bas de gamme, un Bukowski avec une gueule de pub Calvin Klein. Il baise tout ce qui bouge, fume tout ce qui se roule, insulte tout ce qui parle, et pleure intérieurement dans des silences trop longs pour passer à la télé. C’est une ordure, mais c’est la nôtre. Et Dieu sait qu’on préfère un salaud sublime à un gentil chiant.
Californication, c’est la Bible inversée. Au commencement était le foutre. Puis vinrent les femmes, les enfants, les éditeurs véreux, les agents aux chemises ouvertes, les actrices ratées et les rêves crevés. L’Amérique y est peinte avec du vomi séché et de la poudre blanche : une succession d’éjaculations sentimentales ratées sur fond de soleil californien. Une plage sale. Un cancer bronzé.
Le scénario ? Quel scénario ? Il n’y en a pas, et c’est ça le génie. Hank écrit quand il peut, baise quand il veut, ment sans cesse, aime comme un môme maltraité, et se réveille la gueule dans un cendrier en regrettant vaguement la veille, tout en préparant la prochaine. Chaque épisode est une leçon de nihilisme amoureux, un uppercut existentiel en forme de blague graveleuse. Et au centre de cette spirale d’autodestruction se trouve la seule chose qui compte : l’irrépressible désir d’être aimé, même par erreur, même à travers une paire de jambes inconnues.
La série dégouline de dialogues écrits au vitriol, où l’on passe d’un aphorisme métaphysique sur la condition humaine à une digression sur la sodomie post-divorce sans que personne ne sourcille. C’est du Schopenhauer hurlé depuis un jacuzzi. Du Pascal, mais avec des implants mammaires. Chaque personnage est une ordure magnifique, une tragédie sur pattes, un fragment d’humanité pourrissante mais toujours debout. Karen, la muse inaccessible ; Becca, la fille lucide qui voit clair à travers la crasse paternelle ; Charlie Runkle, génie du grotesque, pantin lubrique et pathétique, Sisyphe de la branlette consentie.
Et pourtant, sous la couche épaisse d’obscénité assumée, Californication touche quelque chose de profondément juste. Une vérité qu’aucune série "engagée" n’ose affronter : l’homme moderne est un clown triste avec une érection. On s’abrutit pour oublier qu’on meurt. On baise pour combler le silence. On écrit pour supplier qu’on nous regarde. Et parfois, entre deux pilules, il reste une étincelle de grâce — fugace, honteuse, sublime.
Techniquement, la série s’en fout. Le montage est brut, la caméra suit Hank comme une amante désabusée, les plans sentent la sueur et la lumière de Los Angeles. La ville devient un personnage : pute solaire, terrain de chasse, purgatoire de luxe où les âmes s’achètent à crédit. Le soleil ne se couche jamais sur ce royaume de l’excès ; il grille les rétines et les illusions. Et nous, petits spectateurs voyeurs, on en redemande.
Car Californication est une orgie triste. Une bacchanale lucide. Un chef-d’œuvre de l’échec glorieux. La série ne raconte rien d’autre que notre lente agonie sous les néons du capitalisme sentimental. Elle n’offre ni salut, ni morale. Seulement des culs, des cris, des regrets et des éclats de rire venus d’un autre âge. C’est la comédie de mœurs de la fin des temps, une tragédie qui bande.
Alors non, ce n’est pas une série à regarder avec sa belle-mère (la mienne n'a de toute façon aucun humour). Ni avec son psy. Ni avec soi-même un dimanche soir, à jeun. C’est une série à boire. À fumer. À crier dans la rue. À écrire sur les murs des chiottes d’un bar mal éclairé. C’est une prière blasphématoire. Un doigt d’honneur à la rédemption.
Et si vous en sortez propre, c’est que vous n’y êtes jamais vraiment entré.
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Créée
le 18 juil. 2025
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