Vers la fin du quatrième et dernier épisode de cette mini série déjantée de Bruno Dumont, l'inspecteur Van der Weyden (à moins que ce ne soit son clo(ow)ne) confie à son fidèle chauffeur, le dénommé Carpentier, que "c'est l'Apocalysse qui pointe le bout de son nez", la meilleure preuve en étant "qu'on y comprend plus rien et qu'avec tout ce bordel, là, on ne sait même plus qui est qui ! "
Cette confession de la part d'un flic qui alterne confusion loufoque et clairvoyance piquante (tout le monde en prend pour son grade) sonne comme l'aveu même du réalisateur arrivant au bout de son procédé narratif. Il reste effectivement à Bruno Dumont à boucler son histoire d'invasion extraterrestre dont on a deviné qu'elle lui servait surtout d'alibi pour interroger l'état de notre chère société. Cette conclusion de l'histoire ne l'inspire pas plus que ça. Et la série semble alors patiner sur elle-même à la manière des personnages qui se retrouvent comme figés dans un tic comportemental : ""t'as un AVC ou quoi ?"
C'est de fait, dans la première partie que l'on s'amuse le plus. L'exposition des personnages fonctionne à plein, entre cette paire de flics qui n'est pas sans rappeler le commissaire Bougret et son fidèle Charolles de Gotlib (avec une dose d'absurde à la Monty Python et une dose de loufoquerie moderne que ne renierait pas le Fabcaro de Zaï Zaï Zaï Zaï) et ces gens du Nord - acteurs et personnages - qui font merveille dans l'autodérision.
Cela étant, si la série s'apparente à une énorme pitrerie où chacun trouvera (ou non) son compte (personnellement ça m'a bien fait rire), on perçoit entre les lignes tout le sel que Dumont tire de cette histoire de glu noire envahissante, qui s'insinue dans l'esprit des gens et les transforme en double non assumé d'eux-mêmes. Et la parabole pas si idiote qu'il en tire à propos de notre société qui se crispe de plus en plus à la vue des étrangers. Avec cette conclusion intéressante, l'étranger (l'alien) dont il faut se méfier n'est pas tant celui qui débarque sur les routes (les migrants dans cette histoire sont sans doute les gens les plus équilibrés qu'on y rencontre), mais bien celui qui, en nous, est prêt à céder aux craintes les plus folles et aux fantasmes les plus faciles.


Mais plutôt que de noircir le tableau, Bruno Dumont nous propose un mouvement final réjouissant où tout ce monde de fous - aliens dansants et migrants chanteurs, morts-vivant souriant et autochtones déguisés - se retrouvent comme réconciliés dans une sarabande carnavalesque.
Loufoque certes mais pas si con.


8/10 (deux premiers épisodes : 9/10, deux derniers épisodes : 7/10)

Theloma
8
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le 27 sept. 2018

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Theloma

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