Devil in Ohio
5.3
Devil in Ohio

Série Netflix (2022)

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Petite série d'enquête qui se laisse bien regarder. Les personnages de Suzanne et Mae portent véritablement l'intrigue. Les autres personnages "principaux" souffrent d'un manque de définition ou de développement qui entache un peu le rythme global.


Par exemple, j'ai plutôt apprécié la relation Jules/Mae, espèce de miroir difforme d'une relation Jules/Helen qui n'a pas droit à meilleur développement qu'une brève histoire de fer à boucler... Mais là où le bat blesse, c'est que les deux sœurs se limitent à des stéréotypes un poil polis et ne creusent jamais vraiment là question de ce que peut être la solidarité/fraternité/sororité (selon la consonnance qu'on veut lui donner).

La vie amoureuse et scolaire d'Helen est assez intéressante. Dommage, parce qu'il y aurait eu matière à développer sur les attentes de la famille, la peur du regard des autres. Le microcosme du lycée aurait pu devenir un miroir civilisé de celui de la secte, où l'on ne parvient pas à affirmer et imposer ses choix de vie. On sent que c'est là, quelque part, mais la réalisation reste trop en surface (peut-être plus la réalisation que le scénario d'ailleurs...).


Parce qu'in fine ces personnages secondaires et peu intéressants sont ceux qui font des choix, prennent leur vie en main, essayent de s'en sortir :

Jules impose sa vision à l'apprenti-journaliste face auquel elle cédait toujours par envie de plaire, Helen plaque le footballer populaire pour essayer de comprendre ses sentiments pour/la nana tellement peu exploitée que j'ai oublié son nom.../ , le père renonce à son job de rêve et à sa femme pour assurer la sécurité de ses filles. Tous mettent de la distance avec le(s) proche(s) qu'ils jugent toxiques. Alors que Suzanne et Mae se complaisent dans leur besoin d'être sauvée, en espérant tragiquement la rédemption l'une de l'autre.

Sur le fond, le contraste fonctionne bien. Mais dans les faits, la mise en scène lui donne trop peu de poids.


Dommage aussi pour le personnage de la petite dernière, une gamine sympathique mais sans rôle défini. On a l'impression qu'elle n'est là que pour :

1) signaler qu'a priori la famille est capable d'accueillir et d'intégrer un membre qui ne leur est pas biologiquement lié

2) souligner la négligence – de Suzanne mais pas que – accrue par le fait qu'on parle d'une enfant avec des soucis de santé...

Le problème c'est que ça s'arrête là. La petite Dani (dont j'ai du googlé le nom, parce qu'elle aussi est aussi marquante qu'un Stabilo séché...) n'a droit à aucun développement narratif. Et c'est un vrai problème. On ne peut pas convoquer un personnage de la famille principale chaque épisode, concevoir des plans/scènes de son point de vue, et ne pas lui donner d'enjeu, de développement, d'importance autre que de servir à caractériser le reste du casting.


Que la série multiplie ce genre de petites maladresses laisse parfois l'impression qu'elle donne dans la gratuité totale, avec des scènes inutiles et clichées ne servant qu'à rallonger artificiellement les épisodes. Je ne crois pas que ce soit volontaire. Je pense qu'il y avait un but, des idées, mais qu'on n'a pas assez creusé leur approche et leur cohérence. Et en voici l'illustration la plus frustrante.

Quelque chose de particulièrement dérangeant se dégage des échanges entre Suzanne et Peter : ils sont convenus, lisses, atrocement nian-nian. Ces échanges sont-ils simplement mal écrits ? Ou au contraire, s'agit-il d'un jeu subtil sur les dialogues de façade d'un couple qui se retient, qui ne peut pas communiquer spontanément et honnêtement parce qu'enfermé dans l'idéal de la petite famille américaine parfaite ? Soit c'est ridicule, soit c'est génial. Le problème, c'est que rien ne vient en fin de compte appuyer explicitement un potentiel coup de génie. Les derniers épisodes ne se jouent jamais des non-dits entre Suzanne et Peter. Aucun d'eux ne rejette strictement le dialogue de façade pour exposer les vérités qui ganrènent leur couple. Et donc, on ne peut qu'espérer que c'était bien pensé, mais on n'en est jamais certain.


Mention spéciale pour l'imaginaire de la secte, qui lui se joue assez ouvertement des caricatures et images attendues. Son manque de crédibilité déplaira à beaucoup, mais le parti-pris de limiter la secte à des "symboles" et des idéaux très imagés donne surtout lieu à un discours assez universel (parce que symbolique) et percutant sur la filiation, l'héritage familial. Sur comment les croyances et attentes d'autrui nous façonnent. Une jolie exploitation d'un imaginaire collectif tortueux, qui fait regretter davantage encore que les personnages secondaires, en proie avec les apparences du vrai monde, n'aient pas eu davantage voix au chapitre.

Rodreamon
6
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Créée

le 16 sept. 2022

Critique lue 816 fois

2 j'aime

Cliffhunter ➳

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2

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