La narration de cette version U.S. de Dirk Gently épouse la "méthode d'investigation" de son personnage principal : enchaîner des situations sans relation a priori, en postulant leur connexion occulte, puisque "tout est lié" (pas au sens du "battement d'ailes du papillon", ou de la pollution, mais du karma).
Cette "méthode" est plutôt un mode de vie d'un fatalisme oriental : elle consiste à se laisser porter par la vague, à suivre là où les circonstances le mèneront, dans l'espoir qu'un sens émerge de cette suite décousue d'expériences (démarche grandement perfectionnée par les machines statisticiennes spéculant en bourse). Ainsi un autre personnage se pense-t-il comme la manifestation du destin : cette femme d'une ignorance totale (pourquoi???) tue au hasard et passe littéralement entre les balles de ses victimes réticentes.
La série nous donne aussi sa propre version de la métempsychose (transmigration des âmes).


Le rôle et la nature de certains groupes dont les trames finissent par s'entrecroiser ne sont pas expliqués à l'issue de la première saison, frustrante infraction au pacte implicite passé avec le spectateur ("accroche-toi jusqu'au bout, tout ça aura un sens"). Ainsi des punks qui interviennent comme purs adjuvants, anges gardiens sans raison d'être propre. Ce qui, ajouté au rôle central du voyage dans le temps dans l'élucidation du mystère, donne l'impression d'assister à une hyper-méta-narration indigeste. Les personnages sont des fonctions dans un récit qui est pensé par ces mêmes personnages comme récit (destin) partiellement écrit par leurs versions du passé (complot), les mystères sont démultipliés comme dans un Twin Peaks parti en roue libre (soit la 3e saison), et tout ça est chapeauté par une sempiternelle agence gouvernementale occulte.


Pour ceux qui voudront gagner du temps, je cite le résumé fourni dans le dernier épisode par le gentil Hobbit craintif (chacun est identifié à un trait de caractère, comme les schtroumpfs ou les sept nains - Dork est l'enthousiaste, la tueuse est grincheux son double négatif).


"More than a hundred years ago, a man named Zackariah Webb built a machine that broke and went to the future, where these tattooed wackos found it, and used it to swap souls. They swapped Lydia with a corgi to use as leverage to stop Patrick Spring, who was actually also Zackariah Webb, having jumped through time to get his machine back... In 2002, after the Men of the Machine killed his wife, Patrick Spring, who was a fake identity, created to be the son of Edgar Spring, who was actually Zackariah Webb, jumped forward in time to last week, destroyed the Men Of the Machine, and then went to the Perryman Grand to confront his future self, which led to the young Patrick Spring accidentally killing old Patrick Spring, when a kitten went off and set off a shark explosion."


Voilà, bonne chance aux anglophones pour y comprendre quelque chose.


Ou bien on peut parodier la série (ceux qui l'ont déjà vue apprécieront (?), les pauvres).


THE COMPLEXITY OF MODERN APPLIANCES
"Hi, I'm Dik Nrgy.
- Your name Energy Dick ?
- Well, it does sound silly this way. And who are you ?
- I'm Freda, tutor of the disappeared young million-heiress Bryce Vain."


La jeune orpheline Bryce a été kidnappée et transformée en crocodile pour des raisons de convenance par un boys' band coréen dans le but de pratiquer un chantage sur son père (mort). En effet, les clones sud-asiatiques ont découvert par hasard que l'invention qu'ils avaient volée au daron, une machine à laver/cocktail mixer/four à micro-ondes, avec laquelle ils espéraient remonter le temps pour faire fortune en la fabriquant en série pour les ménagères des années 50, et qu'ils utilisaient déjà pour permuter les âmes dans les corps vivants, pouvait également servir à confectionner des hypergaufres à trois faces ou plus. Ils ont donc décidé qu'il était temps d'exiger de l'inventeur un mode d'emploi qui leur permettrait d'exploiter pleinement toutes les fonctionnalités de l'engin.


C'est par hasard que Dik découvrit l'infortunée héritière fortunée se lamentant derrière un canapé. Il comprit qu'elle ne pleurait pas des larmes d'alligator lorsqu'elle lui confessa les causes de sa détresse : quand elle mord, on sent un bisou ("When she bit me, it felt like a kiss"), ce qui n'est pas digne d'un redoutable prédateur.


Pour assister Dik dans son insigne tâche, le destin, alias Moms Mabley, lui assigna un acolyte au regard mélancolique.
"Le boy - J'ai 43 ans! - aux grands yeux, c'est mon assistant. Je ne sais jamais s'il est triste ou contrarié. Ne me demandez pas ce qu'elle vient faire dans l'histoire, mais sa soeur a des hallucinations. Elle croit de temps en temps qu'elle se transforme en soda.
- Avec des bulles ?
- Heureusement, une bande de Pigmées gothiques vient aspirer son gaz, ce qui lui évite une douloureuse surpression. Ils sont armés de bilboquets (j'ai oublié de le mentionner). Ils ont une dent contre les Bantous New Wave (munis de sarbacanes), pour une raison qui ne vous échappera pas.
Il y a aussi Patiéselma, la fille qui tue sans arrêt des gens par hasard. Je vous conseillerais presque d'éviter de croiser son chemin, mais puisque dans ce monde tout est lié comme un pet de vache au réchauffement climatique, il est inutile d'essayer d'échapper au sort funeste que Moms Mabley vous aura réservé en la plaçant ou non sur votre route."


Et sur ces conseils frappés à l'aune du bon sens, nous rendons l'antenne chers spectateurs.

ChatonMarmot
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le 28 oct. 2018

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ChatonMarmot

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