Euphoria
7.8
Euphoria

Série HBO (2019)

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l’adolescence magnifiée de notre décennie

Série héritière (et directement inspirée de la série Israélienne du même nom) de nombreuses séries teen US ou UK, en passant de Skins à Gossip Girl, voire Elite (Espagne). La difficulté du genre teen semble balayé d’un revers de mains par Sam Levinson. Le manque d’identification des jeunes dans les séries étant un point évident de ce genre de série dramatique, associé à une trame réaliste et tenant la route sans passer par un scénario incluant un meurtre ou tout acte criminel éloigné, en théorie, de la réalité de la vie adolescente des lycéens. Le réalisme d’Euphoria est probablement l’une des quintessences même de cette réalisation. Exit les scénarios houleux et les personnages sortis du réel.


Euphoria met en scène la réalité de jeunes lycéens dans une société actuelle en constante évolution. Les expériences lycéennes récurrentes sont illustrées avec brio : l’identité, les relations sexuelles et les interrogations quant à ces dernières, les abus et addictions, les relations sentimentales destructrices, le porno, le futur, la dépression, la soif de vie. En somme, ce qu’il peut se passer dans la tête et la vie d’adolescents/jeunes adultes.


A priori, les personnages mis en scène ne sont pas sans rappeler un schéma banale voir manichéen des lycées américains : le joueur de football américain au charisme certain, la cheerleader d’une confiance en elle débordante et ces autres personnages « à part ». Ce n’est pas sans rappelé le schéma adopté par Mark Ronson dans Glee avec ce couple classique et les autres personnages représentant la singularité des « vrais adolescents ». Mais encore là, chez Euphoria, l’articulation entre les personnages est différentes. Le Quaterback n’est pas parfait, il incarne vraisemblablement un mal-être profond, la cheerleader n’est ni parfaite ni heureuse.Tous les personnages sont fascinants par leurs failles. La série surprend.


Kat est le personnage qui s’affirmera le plus tout au long de cette saison 1. Cassie incarne cette fille jolie, beaucoup trop jolie pour qu’on l’aime d’une autre façon que superficiellement, brisée de ses relations envers les hommes. En effet, chaque épisode débute par un retour dans le temps. Rue, narratrice, dépeint chaque portrait et enfance des personnages. Comme une séance chez le psychologue personnel de chacun d’entre eux, leur passé explique qui ils sont aujourd’hui, pourquoi ils sont.


Les sujets abordés brisent des tabous bien souvent jamais illustrés par des séries teens auparavant, probablement car ces dernières étaient trop lisses. Le mal-être tout simplement (pour faire court) est une étape de la vie qui peut être accentuée et davantage difficile à traverser en tant qu’adolescent, période d’une vie où on est en construction, parfois désorienté et encore plus souvent une période où ces souffrances peuvent êtres inavouables.


En somme, il est évident que c’est une série sombre. Les sujets sont sombres et la photographie de la série l’est tout autant. Une majorité de scènes se déroulent la nuit. Dans ce cadre, Euphoria a réussi à créer un univers qui lui est propre. Le Directeur de la Photographie, Marcell Rév, évoque les soirées tournées d’une façon à rappeler les soirées d’excès des universités américaines sur fond de lumières bleues. Les couleurs sont essentielles, dans un fond majoritairement sombre, elles ressortent notamment à travers les costumes exceptionnelles et le maquillage unique des actrices féminines. Les plans séquences de l’épisode 4 sont la meilleure ’incarnation de l’univers visuels de la série. Un « clair obscur », les costumes et maquillage, la singularité des personnages sont présents afin de magnifier des sujets difficiles.


Enfin, un Special Episode qui relève de l’art. Un seul dialogue, un seul lieu. De nombreux sujets sont évoqués au cours de cette conversation, sujets parfois d’actualités, vérités d’une société malade et souffrances des deux personnages présents. Puis, un plan du lieu qui n’est pas sans rappeler Nighthawks de Edward Hopper.


En conclusion, Euphoria a été identifiée comme un univers proche de l’oeuvre de Nicholas Ray dans la Fureur de Vivre (1955) (AFC cinéma): plans se déroulant dans l’obscurité de la nuit et expériences adolescentes. Plus de 60 ans après, Euphoria peut s’imposer comme une oeuvre uniquer relevant de l’art du cinéma et non du divertissement adolescent.

amantedelcine
10
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le 6 déc. 2020

Critique lue 282 fois

amantedelcine

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