Il y a des séries qui, malgré un format modeste, parviennent à marquer l’histoire du petit écran. Fleabag, avec ses 6 épisodes de 26 minutes, fait partie de celles-ci. En tout juste 2h30, Phoebe Waller-Bridge nous embarque dans une exploration audacieuse et profonde de la vie d’une jeune femme à la dérive, tout en traitant des thèmes universels mais souvent laissés dans l'ombre : la solitude, le sexe, l’amour, et la quête d’identité.
Le format de cette mini-série est idéalement adapté à son récit. L’épisode court permet à chaque instant d’être mesuré avec précision, rendant le tout d’autant plus percutant. La fluidité du montage, l'économie de moyens dans la narration et la finesse du découpage contribuent à un rythme qui tient en haleine tout en offrant une grande richesse émotionnelle.
Phoebe Waller-Bridge, qui signe ici à la fois la réalisation, l’écriture et l’interprétation, est absolument brillante dans chaque aspect de la série. Elle souscrit à une maîtrise rare, qu’il s’agisse de la construction des personnages, de la gestion de l'humour subtil, ou encore de l'intensité émotionnelle qu'elle parvient à insuffler dans chaque scène. C’est aussi son génie d’actrice qui, par des mimiques, des silences et des regards pleins de non-dits, attire le spectateur dans une relation presque intime avec elle-même, tout en nous laissant constamment entrevoir ses contradictions et fragilités.
Fleabag pourrait d’abord sembler être une comédie noire, mais très vite, il devient évident que son cœur bat au rythme des drames émotionnels. Les sujets d'actualité qu'elle aborde ne sont pas seulement traités de manière superficielle ou cynique : ils sont portés par une sensibilité brute, presque sans fard, qui frappe fort. L’histoire de Fleabag, une femme abîmée et désabusée, est en réalité une réflexion poignante sur l’humanité, le désespoir et la résilience. Le traitement de la solitude, de la recherche de sens dans une société déshumanisante, est d'une force rare.
La saison 2 de Fleabag confirme, si besoin était, le talent exceptionnel de Waller-Bridge, à la fois derrière et devant la caméra. Son regard au quatrième mur, signature de la série, reste une des plus belles trouvailles du genre : cette interaction avec le spectateur, loin d’être un simple effet de style, devient une véritable porte d’entrée émotionnelle dans l’univers de la protagoniste. Le jeu d’acteur, la bande-son soigneusement choisie et un cadrage méticuleux nous plongent toujours plus profondément dans la psychologie de Fleabag, au point qu’on ne peut que ressentir cette envie irrépressible d'échanger avec elle.
Ce mélange d'humour cinglant, de drame poignant et de réflexion profonde fait de Fleabag un chef-d'œuvre intime et audacieux, un petit bijou qui marquera à jamais le paysage des séries télévisées. Une expérience inoubliable, où chaque minute compte, chaque parole résonne, et où l'on finit par se retrouver à la fois ravi et bouleversé.
Note : 10/10 – Un chef-d'œuvre d’écriture, de jeu et de mise en scène. Phoebe Waller-Bridge nous livre ici une œuvre qui restera gravée dans les mémoires et qui élève la série télé au rang de grand art.