Hippocrate
7.6
Hippocrate

Série Canal+ (2018)

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Les quatre cavaliers de la quarantaine.

Saison 1.


Parmi les trois films réalisés par Thomas Lilti à ce jour, Hippocrate est de loin son meilleur, à mon sens. A l’époque, je me souviens avoir pensé qu’il aurait fallu étirer ce récit, développer davantage ces personnages, ce lieu, cette temporalité si particulière, sur un format plus long encore qu’un simple long métrage. A moins que ce soit cette déformation provoquée par le génie d’Urgences, à savoir qu’une fiction hospitalière se doit d’être offerte sur un format sériel. Peut-être. Apparemment, Lilti lui-même n’était pas entièrement satisfait puisqu’il reprend peu ou prou certains éléments qui parcouraient le film : L’arrivée du jeune stagiaire, le lien de parenté entre un urgentiste et un interne, le médecin d’origine étrangère, le manque d’effectif, les erreurs médicales, les audiences disciplinaires. Et il les transpose dans ce nouvel univers, un autre hôpital avec de nouveaux interprètes, qui ne sera donc plus exploité sur 1h30 mais sur 8h. Huit épisodes qu’il a créés, co-écrits et dont il va choisir de tous les réaliser.


 Il lui est donc forcément possible de faire du gras, d’étoffer la kyrielle de personnages secondaires, de s’intéresser de plus près à de nombreux patients et bien entendu de suivre à parts quasi égales quatre personnages principaux : Alyson, Chloé, Hugo & Arben. Et là-dessus chaque épisode trouve des tas d’idées, concentre beaucoup autour d’une patiente suicidaire, mais aussi beaucoup autour du cœur de Chloé, mais aussi beaucoup autour des aléas sentimentaux d’Alyson, tout en livrant des images qui semblent appartenir à du vécu de la vie d’interne. Et surtout il faut un point d’ancrage, une idée qui sort de l’ordinaire, quelque chose de plus romanesque qu’un « simple » quotidien de médecine interne : Il prend la forme d’une quarantaine, suite à un problème sanitaire. Par précautions, les médecins du service sont en effet cloitrés dans un hôtel jusqu’à nouvel ordre, uniquement autorisés à donner des conseils et directives par téléphone. En leur absence, ce sont les internes et leurs stagiaires qui doivent maitriser la situation comme ils peuvent, souvent bien secondés par les infirmiers et infirmières plus expérimentés.
C’est cette idée scénaristique qui crée une vraie urgence, sans mauvais jeu de mot. Ça fait tenir le récit, le groupe, la série sur pas grand-chose étant donné qu’on sait que tout peut « s’effondrer » à tout moment, si la quarantaine est levée. Par exemple, l’arrivée de médecins remplaçants au mi-temps participe de cette crainte d’effondrement. Ils comblent un manque autant qu’ils brisent ce semblant d’unité, qui tient sur rien puisque chacun de ces quatre personnages évolue en sursis dans cette bulle et même dans sa propre bulle : Alyson hésite à changer d’établissement pour son internat ; Chloé est menacée par sa santé fragile ; Hugo est beaucoup trop sous le regard et le contrôle de sa mère ; Arben appartient plutôt à l’étage des légistes. Et la série parviendra à relier ce que Lilti avait raté dans Première année, soient le naturalisme et le romanesque, le réel et la fiction. Sans trop en dévoiler, la fin est à l’image de cette saison toute entière, vraiment puissante. Bref, j’ai trouvé ça absolument génial, riche, émouvant, maitrisé. Je pourrais tout revoir illico.

Saison 2.


Difficile de faire ne serait-ce qu’aussi fort que la première étincelante saison, pourtant Hippocrate y parvient presque. Sa fine écriture, sa mise en scène rythmée, ses moments sous tension, son équipe/casting (rejoint par un superbe Bouli Lanners) en font clairement le parfait représentant d’un ER à la française. Les couloirs de l’hôpital de cette saison s’ouvrent sur une inondation et se ferment en plein raz-de-marée Covid. Toujours en flux-tendu, la série n’hésite pas à nous plonger au cœur de situations aussi réalistes qu’abracadabrantes, en pleine intoxication au monoxyde de carbone, dans un caisson à oxygène ou lors d’une plèvre à percer. Déjà présent mais relativement effacé en première saison, le personnage d’Igor devient central ici, tant il innerve la partie mélodramatique du récit. Sans pause, le récit avance par fulgurances, dans un crescendo de plus en plus irrespirable. Et puis on ne peut faire plus actuel que de montrer des soignants de l’hôpital public dans la tourmente. Essai transformé.

JanosValuska
8
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le 11 juin 2019

Critique lue 1.1K fois

7 j'aime

JanosValuska

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7

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