Voyage en milieu sectaire

L'entrée en matière du drama fait inévitablement penser à l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo du 20 mars 1995, et qui fit 13 morts et plus de 6000 blessés. Cette attaque bio terroriste fut perpétrée par les cadres de la secte Aum Shinrikyō. Si la secte n'a pas été dissoute par les autorités japonaises, elle est sous surveillance constante de la police depuis cette date. Dans l'ensemble du monde occidental, elle est déclarée comme entité terroriste. L'affaire a perduré jusqu'en 2018 où le gourou Shōkō Asahara et 6 de ses proches collaborateurs furent exécutés. Durant le déroulé de Hometown, la référence à la secte du People's Temple est clairement établie aussi. C'est le plus grand suicide collectif du siècle dernier, où le gourou James Warren Jones incita à la mort plus de 900 personnes par empoisonnement dans un village autonome du Guyana, les survivants étant abattus. Dans cette série coréenne, la question sera de savoir sous quel angle le sujet sera évoqué et comment il sera traité.

Comme tu l'auras compris, le drama va nous faire naviguer dans une enquête policière, teinté de fantastique et de thriller en milieu sectaire. En 1987, le terroriste Jo Gyeong Ho(Euh Tae Goo) a perpétré un attentat au gaz sarin dans une gare faisant plus de 200 morts, dont la femme du détective Choi Hyeong In(Yoo Jae Myung). En 1999, date où se déroule l'action, il ne sait jamais remis de cette perte. Tandis que Jo Gyeong Ho purge sa peine de prison à perpétuité, sa fille vit avec sa sœur Jo Jeong Hyeon(Han Ye Ri) et sa mère, qui tient un petit restaurant. Un jour un meurtre étrange lié à un enregistrement audio, vient relancer l'affaire de 12 ans en arrière. La meurtrière est retrouvée morte de façon étrange. Mais le mobile semble inexistant. Le jour où la nièce de Jeong Hyeon disparait de manière mystérieuse, le détective et elle-même, semblant être liés par quelque chose qui les dépasse, vont tout faire pour la retrouver. Sur leur route vont se dresser les membres d'une secte qui semble recevoir ses ordres d'un gourou, qui apparait être Gyeong Ho en personne. Les morts commencent à s'empiler selon un mode opératoire très mystérieux et qui suit un process bien établi.

La première chose qui marque dans Hometown, c'est cette ambiance à la fois glauque, noire et pesante. Dès le début la tension est palpable et angoissante, le fait de faire se dérouler l'action exclusivement par temps de pluie ou sous une grisaille permanente, accentuant cette impression. Pas de doute, on a tous les ingrédients du thriller psychologique. Et la musique, toujours en phase avec l'époque dans laquelle se situe l'histoire, vient apporter la touche finale. Ça m'a fait penser à Stranger Things. Le début est assez passionnant, à condition d'accepter une rythme plutôt lent. Il faudra aussi faire l'effort intellectuel de bien distinguer les différentes temporalités. Si pour les flashback de 1985 ou 1987 le filtre marron va être utilisé comme pour vieillir la pellicule, durant le temps présent, nous ne sommes pas toujours en train de suivre le cours réel. Le scénario est prenant, du moins jusqu'au 8eme épisode, même si j'ai trouvé quelques détails futiles. La réussite vaut surtout par son trio d'acteurs principaux exceptionnels de part la justesse de leur jeu: Yoo Jae-Myung dans le rôle du flic brisé et torturé, Han Ye-Ri dans le rôle de la sœur du tueur à la fois forte et fragile, et enfin Um Tae-Goo dans le rôle du frère, gourou aussi énigmatique qu'effrayant. Sa voix rocailleuse accentuant cet effet de peur.

Si l'histoire va tourner autour de la dérive sectaire du contrôle mental, de ses effets collatéraux, des éléments fantastiques vont être introduits par l'intermédiaire des pouvoirs psychiques de Gyeong Ho et par l'effet hypnotique généré par la K7 vidéo dont il est à l'origine de la création. Celle ci qui tourne de main en main, annonce la mort. Même si au fur et à fur du récit on aura quelques explications du pourquoi du comment, on ne sera jamais de quelle manière Gyeong Ho a acquis ses facultés psychiques hors normes. Il a le pouvoir d'hypnotiser les gens à leur insu. On apprendra aussi que tout ce qu'il fait est un savant calcul opéré depuis des années et que s'il est en prison, c'est par choix. Il y a beaucoup de rebondissements dans cette série, parce que la plupart des pièces du puzzle, bien qu'incomplètes et pas toujours pertinentes, arrivent tard dans la seconde partie. Certaines sont plus ou moins téléphonés et un peu grosse, c'est presque du niveau de la machination ou de la conspiration. Faire lier les membres de la secte de 1999 aux évènements survenus dans la gare en 1987 m'ont parus un peu grossières.

Venons en aux défauts qui m'ont dérangé. Le scénario perd peu à peu sa saveur du début. On a tendance à partir en live vers le 8eme épisode, c’est vraiment dommage. L'intrigue devient trop alambiquée, on dirait que les personnages s'évitent à la fin, comme pour faire durer un faux suspense. Le personnage du politicien Iim In-Gwan est vraiment mal utilisé, surtout qu'il fait le lien entre le passé de Jung-Hyun et de Kyung-Ho, mais aussi avec celui de Hyung-In. La pesanteur se transforme en lourdeur. A force d'osciller entre le fantastique, l’horreur et le polar psychologique, un certain délitement va s'opérer, si bien qu'on voit arriver le dénouement à des kilomètres. Vous pensez bien qu'on est dans un série politiquement correcte et qu'on aura pas la même fin que celle du People's Temple que j'ai mentionné en introduction. Et certaines questions resteront sans réponses. Autre chose insupportable, le floutage, et pas seulement celui des couteaux: posters aux murs, corbeaux morts, scène de crime, cigarettes allumées(oui parce que la cigarette seule ça passe). Enfin, même s'il n'y a que 12 épisodes, on avait largement de quoi étoffer le background des personnages et des origines de la secte, chose qui ne sera pas faite. On préfère tourne en rond pour rien durant les 3 derniers épisodes. J'ai aussi relevés quelques incohérences inadmissibles et des séquences un peu WTF.

Il y avait un énorme potentiel dans ce drama, mais qui malheureusement n'a pas été exploité à sa juste valeur. Si le casting est exceptionnel, il ne peut sauver à lui seul une narration trop poussive vers la fin. On peut même si perdre car la logique est mise à l'épreuve. J'ai trouvé qu'on avait pas assez mis l'accent sur le danger que peut représenter une sectes et son influence sur des esprits fragiles psychologiquement parlant. On a pris le parti pris d'un individu possédant à la limite des pouvoirs paranormaux, voire surnaturels qui fait le mal. Plein d'aspects environnementaux ont été occultés. On ne saura jamais non plus si Kyung-Ho fait le mal parce que c'est sa nature, ou bien pour se venger de ce qu'il a subi durant son enfance. Il dit tout du long que c'est un plan qui dure depuis des années, mais quel plan et qui a quel but? On ne le saurait jamais non plus. Enfin je n'ai pas compris pourquoi ce psychopathe n'a pas été exécuté à l'époque, on était en 1987 et les militaires au pouvoir n'auraient eu aucun scrupule à liquider un tel dégénéré. Pour moi c'est aussi une faille dans le scénario. (bon en même temps le drama n'aurait pas existé)

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