JoJo's Bizarre Adventure
7.4
JoJo's Bizarre Adventure

Anime (mangas) Tokyo MX (2012)

Il est très difficile de savoir ou poser son pied en premier lorsqu’on aborde une œuvre de fiction aussi influente, démesuré et imité que Jojo’s Bizarre Adventure. Une critique en solitaire ne suffirait pas à présenter toute l’œuvre d’Hirohiko Araki car contrairement à d’autres mangas dont le culte reste souvent cantonné au format papier, celui-ci a connu des déclinaisons et une mode tellement forte qu’elle a perduré dernièrement, tandis que le manga n’est toujours pas terminée.


Concours de poses, influence majeure au sein du Shonen Nekketsu dés les Ken le Survivant, Dragon Ball et Les Chevaliers du Zodiaque, référence pour des artistes de divers milieu culturel dont Clint Eastwood lui-même, clin d’œil en masse au sein de la pop culture dont la Japanimation en premier lieu (Mako dans l’épisode 7 de Kill la Kill, ça vous rappelle pas un certain Jotaro Kujo des fois ? Ou Miaouss imitant Dio Brando avec la pose et la réplique qui va avec dans un épisode de Pokémon), monde parallèle développé par l’auteur du manga, collaboration improbable et méconnu, et des mystères très souvent relevé de partie en partie. La liste est aussi longue que la tour de Babel.


Si vous n’êtes pas encore parti après ce résumé, et bien qu’il ait mis beaucoup de temps à nous parvenir chez nous les mangeurs de camemberts et de baguettes fraîches, Jojo’s Bizarre Adventure est au manga ce que Myster Mask est à la justice (on se moque pas) et ce que Steven Spielberg a été au cinéma : une révolution au sein de son média quand il n’est pas simplement avant-gardiste et surtout l’inspirateur de toute une culture qui se développera dans le vaste monde du manga et de l’animation japonaise.


Il aura pourtant fallu attendre longtemps avant que le manga n’ait enfin une transposition en animation qui lui fasse honneur : les deux séries d’OAV sur l’arc Stardust Crusaders sorti respectivement en 1993/1994 et en 2001/2002 ayant vite été oublié par le public, tandis que le film d’animation de 2007 reprenant la première partie du manga (Phantom Blood et Battle Tendency) a été un ratage cosmique monumental qu’il est apparemment impossible de remettre la main dessus et qu’il n’a jamais vu le jour en dehors du pays du soleil levant, à un point même qu’il n’aurait visiblement eu le droit qu’à une journée de diffusion selon la rumeur. Et je pense qu’avec ça Disney peut très largement relativiser sur ses échecs commerciaux qu’ont été John Carter et Lone Ranger.


Et c’est à parti de 2012 que les studios David Production, un studio d’animation méconnu jusque là et qui a vu le jour grâce à Kōji Kajita, précédemment président du studio Gonzo, qui va lancer allumer la mèche et populariser grandement le manga par son adaptation animée en faisant le choix d’adapter chaque partie du manga avec fidélité tout en retranscrivant au mieux la folie et l’absurdité de l’œuvre, mais en faisant également un choix qui s’est répercuté sur beaucoup d’adaptation de manga dans les années 2010 : réussir à fidéliser un public qui n’est pas forcément abonné au format papier qui est bien souvent plus complexe et complet que ce que proposaient plusieurs adaptations de cette période (et encore maintenant avec The Promised Neverland qui, si il fait à juste titre parti des mangas de la nouvelle vague placé sur un piédestal, a été partiellement simplifié dans ses dialogues et ses situations dans la première saison laissant une sensation d’inachevé pour ceux qui sont habitués au format papier).


Il faut donc bien commencer quelque part, l’honneur est accordé à Jonathan Joeystar et Dio Brando d’ouvrir le bal dans une première partie ayant pour fond un drame fratricide avec Phantom Blood. Sauf qu’entre-temps, près de 26 ans ont passé depuis l’édition de ce premier arc en manga et de tous, même si ça veut dire me mettre à dos un raz-de-marée humain de puriste, ce début a terriblement mal vieillit sous divers angles et m’a presque poussé à faire une croix sur la suite de la licence.


La première raison est Jonathan Joeystar lui-même, non seulement très lisse en tant que héros, dont il est difficile de trouver un autre trait de personnalité que son âme de gentleman anglais au bon cœur, et dont l’objectif de cette première saison se limitera constamment à faire obstacle à son frère adoptif Dio Brando. Surtout que ce qui le distinguait beaucoup à l’époque de sa sortie (un héros non japonais mais britannique mis sur le devant de la scène, futur bodybuildé et à la destinée insoupçonné) a du mal à en faire autant maintenant à moins qu’on prenne un peu de recul. Sans en faire un mauvais personnage, mais on a du coup plus envie de s’intéresser aux seconds rôles qui finissent par débarquer comme Antonio Zeppeli par qui passera la maîtrise de l’Onde (le Hamon en langue japonaise) et Robert Edward Speedwagon qui gagnera son titre de personnage récurrent pour cette première saison.


Mais si vous pensez que mon manque d’empathie et d’attache pour Jonathan est déjà une hérésie, attendez que je vous dise à quel point je crache sur le Dio Brando de cette première partie. Ici pour moi il rejoint le cercle des méchants juste bon à être méprisé et détestés : petit connard dans l’âme, affichant une antipathie extrême excessif dés la première rencontre avec Jonathan, s’arrangeant pour dégrader son image auprès de son père et son entourage à vitesse grand V en un coup de crayon scénaristique trop expéditif pour que j’arrive à y croire, et qui pour tout cela rend ce début de série très cliché en peinant à faire avaler ces situations pendant les tout premiers épisodes tant le rythme de la série télé est handicapé, peinant à faire croire à ce bon déroulement.


C’est pas élégant de cracher sur un déroulé classique quand on sait que le procédé a déjà été exploité auparavant, mais il y a bon et mauvaise exploitation, ainsi que bonne et mauvaise préparation de terrain : quand Baloo doit annoncer à Mowgli qu’il compte finalement l’emmener au village des hommes dans Le Livre de la Jungle chez Walt Disney Animation Studio, il y a eu une multitude d’événement sur le plan scénaristique et dans l’animation pour mener à la mésentente entre nos deux personnages. En l’occurrence la présence de Shere Khan dévoilé à Baloo conscient de la menace qu’il représente, son attachement avec Mowgli, sa gestuelle qui trahit sa gêne et sa difficulté à communiquer sincèrement avec ce dernier qui agit en toute insouciance et ignorance, ainsi que la nuit de réflexion entre Baloo et Bagheera. Tout cela fait que la situation fonctionne très bien car un mal nécessaire, expliqué et surtout superbement démontré à l’écran (notamment grâce au coup de crayon d’Ollie Johnston, un des 9 sages de la compagnie de son vivant).


Là ou le comportement exécrable et manipulateur de Dio Brando n’a pas beaucoup d’occasion de se justifier en dehors de son père détestable et sa condition sociale et économique précaire. Assumer un fil conducteur classique en terme de récit ainsi que des personnages qui le sont tout autant, c’est une chose, je peux en dire de même pour une adaptation sur le petit écran avec un format de 20/25 minutes… mais est-ce que ça excuse pour autant une situation qui sonne plus, selon moi, comme un gros cliché énervant avec l’œil d’aujourd’hui que comme une rencontre entre le classicisme et l’avant-gardisme de l’époque, même avec la direction artistique what the fuck et atypique de la série ? Sincèrement, je répondrais non sans hésiter.


Mais cela dit, la première partie du manga reste assez prenante grâce à trois choses qui la sauvent : sa direction artistique hors des standards habituels au sein de la Japanimation avec sa colorimétrie déjà assez dingue en 9 épisodes, cherchant constamment à se marier au mieux avec l’ambiance de l’instant et embrasser l’exagération ambiant sur le plan visuel (Ken le survivant sait de qui tenir) avec ces corps à la musculature surréaliste et l’arrivée des éléments surnaturels ne faisant jamais tâche avec le genre embrassé par cette partie.


Eléments surnaturels qui font partie du deuxième point sauvant cette première partie et préparant déjà beaucoup le terrain pour la démence graphique et narrative qui va débouler d’ici peu : que ça soit la maîtrise de l’Onde/Hamon étant un ancêtre évident des autres formes de pouvoirs spirituels au sein du Shonen Nekketsu avec ses propres règles (le Nen dans Hunter x Hunter, le fluide/Haki dans One Piece, la maîtrise du Ki dans Dragon Ball ou encore l’alter dans My Hero Academia) et donné des aperçus assez alléchante à voir sur les capacités qu’elle conférait à ceux qui la maîtrisait ou la transmettait.


Puis enfin, même avec l’épreuve du temps, on peut difficilement ne pas être de mauvaise langue en disant qu’il y a un manque de culot dans cette première saison, graphiquement très violente avec une brutalité très bien rendu par l’esthétique d’ensemble,


mais surtout avec la mort inattendu de Jonathan Joeystar durant le dernier épisode, face à un Dio Brando ayant survécu par miracle à sa défaite et que Joeystar tentera de faire taire à jamais en l’emmenant dans sa mort.


Tout ce qui permet de redonner un espoir auquel se raccrocher pour la deuxième partie.


Et grand bien nous en fasse, car la deuxième partie du manga, Battle Tendency, a vite fait d’effacer toutes mes réserves : une durée plus longue pour le nombre d’épisode permettant de donner un temps d’apparition plus longue aux rôles secondaires, un cadre évoluant au sein de New-York et de l’Italie ou l’action se situera et surtout celui que je considère peut-être encore à ce jour comme le meilleur des héros de la fratrie Joeystar : Joseph Joeystar qui a vite fait d’afficher un caractère beaucoup plus épaissi et diversifié que son pépé.


Grande gueule, roublard, rusé, faussement couard, et aussi drôle qu’attachant une fois qu’il est lancé. Rien qu’avec Joseph, l’animé embrasse pleinement la comédie d’action mais en gardant ses repères instaurés en première saison (comme le masque de pierre) et en donnant à l’Onde une exploitation nouvelle avec ses variantes de plus en plus nombreuses, à l’image de la maîtresse dans le maniement de l’Onde Lisa Lisa ou de l’excentrique Ceasar Zeppeli tenant à l’œil le descendant de Jonathan. On sent enfin une direction scénaristique et graphique de plus en plus sur d’elle-même, et une exubérance ainsi qu’une folie d’ensemble qui rafraîchit énormément la série sans pour autant la tromper (Joseph qui éclate le doigt d’un policier avec une capsule de soda, c’est collector).


Une fraîcheur qui se sent également du côté des rôles entourant Joseph Joeystar, y compris dans les alliés les plus improbables comme le nazi patriote Rudol Von Stronheim (pour une fois que ce ne sont pas les nazis les grands méchants d’une œuvre), Speedwagon devenant un soutien financier cohérent, la mignonne Suzie Q et surtout un trio de bad guy infiniment plus charismatique qu’un connard presque unidimensionnel tel que Dio en début de saison : les hommes du piliers composé de Wham le guerrier à l’âme noble, ACDC (je ne ferais pas cette blague) dissimulant sa pointe d'excentricité et Kars (non, aucune parenté avec Flash McQueen, il est fils unique) affichant un esprit humble d’apparence mais à la mégalomanie également camouflé, chacun représentant une menace plus que crédible et une entente cordiale ainsi que hiérarchique entre eux.


Même si le pouvoir de l’Onde semble afficher des limites (surtout en comparaison des stands, mais ça ça sera pour la prochaine partie), une fois passé le premier affrontement majeur à New-York, Battle Tendency se montre très créatif et débordant d’ingéniosité dans ses faces à faces. Alors je passerais sur ambiguïté sexuelle qui a déjà fait l’objet de trop de blague pour en parler, de même pour la forte textualisation des actions (c’est un cliché sur lequel j’ai pas envie de cracher maintenant qu’il fait parti de l’ADN du Shonen Nekketsu) mais par contre impossible de ne pas être béat de surprise face aux retournements de situations aussi improbable qu’expliqués, l’exploitation des pouvoirs et les décors souvent mis au service d’un combat permettant de belle pépite d’inventivité et de porte-nawak jubilatoire (les veines d’ACDC utilisé pour transmettre sa chaleur, l’onde servant à créer des bulles de savon mortelle de Ceasar, Stronheim transformé en véritable machine de combat tellement Over the Top que ça laisse facilement en mode : "Okay série, fais ce que tu veux, je suis comblé maintenant").


Et encore une fois sans oublier certains fondamentaux de début de série


avec le cassage du bouclier du personnage principal, ceux-ci n’étant pas à l’abri d’une mort atroce parce qu’ils tiennent les rôles principaux (il n’a pas fallu attendre Ned Stark pour que cette pratique soit lancée, Jojo’s Bizarre Adventure l’a fait en avance).


Je n’en dirais pas plus dessus mais disons que Joeystar ou pas, l’épée de Damoclés pointe au dessus de la tête de tout le monde ici. Ceci laissant à l’animé la possibilité de pousser le toujours plus loin à son paroxysme, et de tirer profit de sa direction colorimétrique exaltante et de ses designs disproportionnés ainsi que s’amuser et aussi bien émouvoir et surprendre que faire jubiler sur place. Sans oublier que les seiyūs japonais livre un travail formidable au doublage comme très souvent, en particulier Tomokazu Sugita pour Joseph. Bien qu'étant un défenseur acharné du doublage français en Japanimation, c'est rarement facile de critiquer le jeu d'acteur des comédiens de doublage japonais en animé japonais, y compris ici.


Big up aussi pour le travail musical de Yugo Kanno étant l’éternel parrain de la bande-son de la licence depuis Phantom Blood qui ne cessera d’aller en s’améliorant à chaque saison. Mais ce sont surtout les openings que l’on retiendra, en musique et chanson comme sur l’esthétique embrassé en 3D modélisé avec ses traits durs et cet avant-goût des événements d’une partie du manga. Et quand bien le premier opening Sono Chi No Sadame est un véritable plaisir à écouter et à voir, je peux difficilement résister à l’extase qu’est Bloody Stream chanté par Kazusô Oda dit Coda.


Malgré son inégalité qualitative entre les deux parties du manga adaptés pendant cette première saison, Jojo’s Bizarre Adventure se redore assez facilement en exploitant ses premières armes avec une sacrée poigne et une folie visuelle ainsi que graphique réussissant à donner une personnalité quasi complète à ces deux premières parties. Toutefois la véritable partie de plaisir et folie furieuse de l’œuvre d’Hirohiko Araki reste encore à venir.

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