Le Juge est une femme

Le système judiciaire sud-coréen a souvent été critiqué pour sa trop grande indulgence envers les criminels. Peu de temps après la diffusion de cette série, le gouvernement a fait modifié la loi en abaissant l'âge de la responsabilité des mineurs de 14 à 13 ans (en France la loi reste inchangée depuis une ordonnance de 1945 et fixe la limite à 15 ans). Il n'y a bien sur aucun lien direct avec cette modification, mais la délinquance juvénile a explosé ces 15 dernières années en Corée du Sud et cette prise de conscience a été suivie pour essayer d'endiguer le phénomène. Bien que la justice coréenne se rapproche de celle des Etats Unis, elle est régit par ses propres codes, un mode fonctionnement et de lois distinctes. L'exécutif comme le législatif sont aussi imbriqués dedans. Attention, certaines scènes peuvent être choquantes et violentes.

Sim Eun-Seok(Kim Hye-Soo)est une juge qui officie au tribunal des mineurs de Seoul. C'est une femme froide, apathique et qui semble être arrogante et imbue de sa personne. Elle déteste les jeunes délinquants (on comprendra à la fin pourquoi). Elle transgresse souvent la procédure et impose ses propres méthodes pour punir les délinquants. Elle rabaisse tout le temps son confrère qui travaille avec elle, et a du mal à accepter les ordres du juge en chef. A première vue, c'est une juge un peu trop psychorigide qui fait face à un juge plus ouvert, et plus enclin à favoriser la réinsertion plutôt que la punition à tout pris. Six cas bien distincts seront traités dans la série, savoir: un assassinat et barbarie sur enfant, de la maltraitance et des violences domestiques d’un père sur sa fille ado, un disfonctionnement et du harcèlement dans un foyer de placement pour jeunes filles délinquantes, de la tricherie aux examens et de la pression sociale, un accident de la route avec homicide involontaire, et enfin des viols en réunion, du proxénétisme et de la diffusion de pornographie en ligne.

D'entrée, on a l'impression que Sim Eun-Seok c'est un peu le "Judge Dredd" : à la fois flic, procureur et juge, elle se montre impitoyable face à ces mineurs délinquants et ne fait preuve d'aucune compassion à la rigueur, ne leur attribuant jamais de circonstances atténuantes. Pour elle, les lois sont mal faites et ne sont pas assez punitives. Après, il faut accepter le fait que le drama prend le parti pris de la répression, pour dénoncer que les victimes ne sont pas assez protégées par rapport à leurs bourreaux. C'est une juge dure, mais juste. La décision judiciaire s'appuie notamment sur le comportement des parents ou des responsables de ces mineurs à l'égard. Certains ados n'ont en effet bénéficié d'aucun encadrement, ou d'absence d'amour parental. Le plus dramatique c'est certains adultes n'ont aucune conscience du mal qu'ils leur ont fait. Le manque d'éducation est la principale résultante de cette délinquance. Si certains ont besoin d'aide pour se sortir de la spirale de la violence, d'autres jeunes ont déjà franchi le Rubicon et sont irrécupérables.

La série met l'accent que le taux de récidive est trop important et qu'il faut traiter d'abord les causes avant de s'occuper des conséquences. Le dernier cas traité est directement reliée au passé de la Juge et qui mettra en évidence que c'est à cause de la défaillance d'une décision de justice inapte mais surtout inapproprié, qui a fait boule de neige et permis la création de véritables monstres qui mériteraient la mort. Certaines scènes violentes et insoutenables viennent appuyer des propos sans équivoque qui plaident pour plus de répression. Mais attention, on ouvre souvent des portes ouvertes. J'ai regretté le fait qu'on traite trop de cas par rapport à la longueur de la série qui est courte. C'est beaucoup trop rapide, on ne prend pas le temps de la réflexion, c'est un peu dommage, c'est une série qui aura mérité un format 14 ou 16 épisodes. Certes c'est rythmé, mais ça manque de profondeur et surtout de nuance, même si je partage dans l'ensemble les idées développées. Je n'ai pas trop aimé le fait qu'on oppose dans un style différent l'autre juge, à savoir Cha Tae Ju(Kim Moo-Yul) qui est souvent décrédibilisé.

C'est assez instructif dans l'ensemble, çà permet d'approcher un peu le système judicaire coréen très différent du notre sur son organisation et sa hiérarchie. On verra aussi que l'on obtient pas toujours la décision souhaitée, le système comportant des failles juridiques. Mais on ne met pas assez l'accent sur l'aide au victimes qui n'est pas assez importante et qu'on laisse souvent en détresse émotionnelle. La série reste paradoxalement très humaniste malgré l'inflexibilité de la juge. Le scénario n'est pas très étoffé, il est classique et conventionnel, et on a tendance à chercher parfois le pathos facile. C'est ainsi qu'on deviendra plus indulgeant par rapport au comportement de la juge à la fin de la série quand on connaitre tous les détails de son passé atroce. Je n'ai pas trop aimé qu'on fasse jouer le rôle des mineurs à des acteurs et actrices approchant parfois la trentaine, ça enlève de la sincérité dans les propos. De plus, même si j'aime bien Kim Hye-Soo, dans beaucoup des séries où elle joue, il n'y en a que pour elle, les autres sont justes des faire-valoir et sont relégués au second plan. C'est dommage.

Le drama fait le taf dans l'ensemble, même si parfois il distille une morale discutable ou des conclusions un peu hâtives. Ajuster la balance prévention/répression dans la délinquance juvénile n'est pas chose aisée, et il n'est pas toujours évident de prendre la bonne décision. Mais je préfère de loin le système judiciaire coréen au notre, beaucoup trop permissif et laxiste. Et là bas au moins les juges répondent de leurs actes et peuvent être plus facilement punis ou révoqués. J'aurais voulu voir au moins un épisode sur une repentance sincère, mais ici on a fait le parti pris que tous les mineurs délinquants devaient payer car tous pourris jusqu'à la moelle. Ce qui implique inconsciemment qu'il y a peu d'espoir de sortir de la spirale de la violence. Le seul "bon" finit dans le coma. Par contre j'ai apprécié le fait que les juges se remettent en question par rapport à des décisions passées lourdes de conséquences.

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