Katla
6.3
Katla

Série Netflix (2021)

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C'est l'un des avantages qu'il faut reconnaître à Netflix : même si leur offre varie d'un pays d'un pays à l'autre, elle n'en permet pas moins d'accéder à des programmes qui, à moins d'une hypothétique et plus ou moins tardive diffusion sur Arte ou sur le câble, seraient demeurés inexplorés par le public francophone. Il y a quelques années, j'étais ainsi tombé sur un film d'horreur basque (!) et cette fois-ci, ce fut le tour de ma première série islandaise : Katla.


"Katla", kézako ? Minute National Geographic, on : il s'agit d'un des plus gros volcans de l'île, et l'un des seuls dont le nom est facilement prononçable par des non-islandophones - je doute que Netflix aurait jugé opportun de marcher dans les pas de Danny Boon en intitulant la série "Quelque chose-öfskull". Dans le contexte de la série, la dernière éruption en date dudit volcan a provoqué le quasi-abandon de ses alentours, à l'exception de quelques scientifiques et et habitants de la bourgade côtière de Vik. Un an plus tard, une jeune femme, qui s'avérera être le sosie suédois du docteur Beverly Crusher, émerge hagarde d'une crevasse du volcan, entièrement nue et recouverte de cendres de la tête aux pieds. Comme si cela n'était pas suffisamment étrange en soi, notre Suédoise existe déjà - bien que son double exact soit plus âgée de vingt ans. Ce n'est cependant que le premier d'une série d'apparitions similaires de personnes décédées ou plus âgées/handicapées qu'elles ne le sont en réalité...


J'ai hésité avant d'intituler ma critique de la sorte, mais je ne pense finaleme,t pas être trop présomptueux en supposant qu'il ne faudra pas plus d'un épisode ou deux aux lecteurs du roman de Stanisław Lem et/ou à celles et ceux ayant vu le film qu'en a tiré Andreï Tarkovski pour comprendre ce qui se trame... ni à tous les autres, d'ailleurs. Clairement, le créateur de la série, Baltasar Kormákur, ne cherche pas à révolutionner le genre - difficile d'y arriver en huit épisodes de cinquante minutes, me direz-vous.


Ce qui l'intéresse, c'est le développement psychologique de ses personnages, confrontés à leurs erreurs, leurs regrets, leurs deuils, leurs amours contrariées, etc, au travers de l'apparition de ces mystérieuses figures de leur passé. J'ai pas mal de réserve sur la réalisation (il y a encore plus de gros plans sur les visages que dans un film de Danny DeVito) mais bien servie par des interprètes irréprochables, un rythme délibérément lent et une photographie somptueuse (la série aurait pu être sous-titrée #visiticeland), la sauce prend... pendant la première moitié de la saison.


C'est quand il faut délaisser la présentation des personnages et les sortir de l'état de stupeur initial pour faire avancer le scénario que Kormákur s'en sort beaucoup moins bien. Il en résulte toute une série d'incohérences et de facilités qui non seulement affectent la crédibilité du récit mais surtout, mettent à mal l'empathie du spectateur vis-à-vis des protagonistes, dont les choix, comme dans un mauvais film d'horreur, paraissent peu organiques et davantage guidés par le souci de créer gratuitement de la tension. Clairement, Kormákur n'a pas envie de nous servir une galerie de caricatures en deux dimensions ; tout le monde a des squelettes dans son placard, et je l'applaudis pour ne pas avoir cédé à la facilité. Mais au bout d'un moment, ce souci d'ambiguïté devient factice lorsqu'il se nourrit d'artifices scénaristiques d'autant moins crédibles que les intéressés sont des adultes capables de faire fonctionner leur cerveau.


Pire : ils se marchent sur les plates-bandes. À grands renforts de platitudes et de grandiloquence, les trames concernant le couple Darri/Rakel et leur enfant, Þór et son ménage à trois et la volte-face du flic Gisli ne suscitent bientôt plus que l'ennui ou la consternation selon ce que le scénario leur impose, tandis que l'apparition de la deuxième Grima ne survient que trop tard, alors qu'elle était la plus prometteuse et aurait pu nourrir la série presque à elle seule ; mais encore aurait-il fallu étoffer le personnage du mari Kjartan et le confronter à l'existence de ces deux versions de sa femme, plutôt que de tourner autour...


Sans vouloir trop en révéler, la fin relève un tout petit peu le niveau tant elle est amorale et ambigüe, mais elle illustre également tout ce qui ne va pas avec Katla : pourquoi s'investir dans ces personnages, puisqu'il n'y en a pas un pour racheter l'autre et que je ne verserais pas une larme si le volcan explosait à nouveau pour tous les ensevelir ? Au final, contrairement au roman de Stanisław Lem, les miracles de la série de Baltasar Kormákur sont presque moins cruels que les rêveurs...

Szalinowski
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le 1 août 2021

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