Tout ça pour ça, quand la morale n'est que cynisme, c'est le portrait de l'allégeance au système.
Killing Eve s'achève sur une trahison. Pas celle de Carolyn qui fait abattre Villanelle, ça, c'est juste un twist final pourri, d'une fin qui ne finit pas de fini. En soi pourquoi pas.
Mais la vraie trahison, c'est celle de la série envers sa propre promesse initiale : déconstruire les codes du thriller d'espionnage et proposer une vision fun et émancipatrice.
Mais finalement, à la fin tout doit rentrer dans l'ordre. Cette série n'était qu'une récréation et non une révolution.
Regardons qui survit et qui tombe, qui sont les vrais losers.
Villanelle, kidnappée enfant, conditionnée pour tuer, qui tente désespérément de s'extraire de sa programmation ? Morte, criblée de balles dans le dos.
Eve, l'agent intègre du début, celle qui croyait en la justice et voulait faire le bien ? Détruite, hurlant dans l'eau noire, psychologiquement annihilée.
Carolyn ? La fille du sérail, la bourgeoise qui infiltre les révolutionnaire, l'architecte de cette destruction, co-fondatrice des Douze, manipulatrice qui a sacrifié son propre fils pour le jeu du pouvoir ? Tranquille, de retour au bureau du MI6.
La hiérarchie morale est obscène. Plus tu es proche du système corrompu, plus tu survis. Plus tu essaies de t'en échapper ou de garder ton intégrité, plus tu es broyée.
Le pire, c'est que les scénaristes tentent de nous vendre ça comme une fin "mature" et "réaliste". Mais ce n'est pas du réalisme, c'est de la complaisance.
Après quatre saisons à nous faire croire que ces femmes pouvaient se libérer de leurs cages respectives, la série capitule et embrasse le nihilisme le plus paresseux : le système gagne toujours, les institutions sont intouchables, les individus sont jetables.
Et les Douze ? Un MacGuffin vidé de substance, liquidé en cinq minutes (alors que c'était LE moment de Villanelle, ça aurait du être artistique) sans qu'on sache qui ils sont vraiment. Au moins avec les marcheurs blancs on savait d'où ils venaient. Et finalement sans réponse sur leurs background c'est que l'essentiel est ailleurs.
Le vrai message c'est que tu sois victime ou bourreau, si tu n'es pas du côté du pouvoir institutionnel, tu crèves. Grosse lâcheté que de ne pas aller au bout du propos et trouver un avenir pour les blessés du système.
Killing Eve avait électrisé par sa subversion, son refus des codes. Elle meurt en s'agenouillant devant le système qu'elle prétendait dénoncer. Une capitulation en règle qui laisse sale goût dans la bouche.