Evangelion à la maison

Il y a de vraies bonnes choses dans cet animé, un tas de propositions très cool qui font que c'est un animé au moins "intéressant" à regarder. Mais l'animé souffre selon moi d'un trop gros défaut qui est son absence quasi totale d'ambition dans la forme. En fait si je voulais résumer mon avis, ce serait que c'est un animé avec un fond intéressant, mais sans aucun travail sur la forme pour mettre ce fond en valeur.

L'animé traite de tout un tas de sujets très intéressants et les traite avec profondeur et maturité. Les sujets qu'il aborde sont aussi complexe que l'identité personnelle, le rapport au passé, la nostalgie et le deuil, le pardon et l'acception de qui on est vraiment. Et autant parfois certains animés traitent de ces thèmes très en surface, ce n'est pas du tout le cas de Kowloon, qui n'a pas peur d'aller assez en profondeur. Le cas du personnage de Kujirai est par exemple très intéressant, elle est la réincarnation d'une autre Kujirai dont elle partage le corps et la vie passé, mais dont elle n'a aucune mémoire. Elle doit alors se construire une toute nouvelle personnalité tout en devant composer avec les ruines de la vie de l'ancienne Kujirai B. C'est présenté avec pas mal de finesse et de subtilité, ce qui fait que la quête personnelle n'est jamais lourde ou trop cliché.

Un autre point que j'ai trouvé intéressant (et qui va avec le premier point) est que les personnages sont tous adultes. Cela permet de traiter de sujets de façon à la fois différentes de si il s'agissait d'adolescent, et à la fois de manière un peu plus approfondies. Disons que ça change de la majorité des animés.

Un autre point que j'ai trouvé intéressant est l'aspect un peu "puzzle" de l'animé. On est complètement lâché dans ce monde inspiré d'un quartier de Hong-Kong et on doit nous même décoder comment fonctionne ce monde. C'est d'autant plus intéressant qu'on découvre alors ce monde avec les yeux du personnage de Kujirai (qui est amnésique) ce qui permet d'encore plus renforcer cet impression d'être perdu dans un monde qui nous est à la fois familier et en même temps étranger. L'animé donne alors au fur et à mesure des épisodes de plus en plus de clefs pour comprendre cet univers, et c'est assez plaisant de finir par décoder de plus en plus le fonctionnement de ce monde.

Ça c'est pour le côté positif de l'animé, parce que malgré toutes les qualités que j'ai soulevé, et qui font que cet animé est (je le répète) vraiment intéressant à regarder, il souffre selon moi de deux gros défauts : le rythme et le manque d'ambition.

Commençons par le rythme. Je me suis fais chier devant cet animé. Pas au point que ce soit irregardable non plus, mais au point où je devais regarder plusieurs fois par épisode combien de temps il me restait, et que je me forçais parfois à lancer des épisodes. Alors je sais qu'on est (à un certain degré) responsable de notre propre ennui, et que c'est sûrement moi qui n'ai pas été capable d'aller sur le terrain de l'animé pour ne pas m’ennuyer devant, mais je trouve quand même qu’accélérer le rythme de l'animé n'aurait pas été un luxe. Surtout pour la première moitié de l'animé qui est quand même bien (bien) lente. Alors je n'ai rien contre les animés lents (j'ai d'ailleurs un très bon ami lent) mais être lent ça ne veut pas dire ne rien raconter 15 minutes sur 20. On a cette impression parfois dans cet animé qu'il ne se passe juste rien, et que l'animé refuse même de faire avancer son récit pour montrer ou raconter quelque chose d'intéressant. Surtout que autant l'animé est lent au début, mais il rush son dernier épisode qui lui aurait pu gagner à être un poil plus long pour vraiment vivre les émotions des personnages (surtout que le dernier épisode est de loin le meilleur). N'y aurait-il pas eu moyen de lisser un peu le rythme le long des 13 épisodes ?

Enfin quand je dis qu'il ne se passe rien dans l'animé c'est pas vrai, il y a des dialogues, il y a de l'exposition, on en apprend un peu plus sur les personnages, sur le monde, l'animé cultive un peu son aspect "mystérieux" et puzzle dont j'ai parlé plus haut. Et ça aurait pu marcher... si il y avait de l'ambition dans la mise en scène. Je pense que c'est le plus gros défaut de cet animé, c'est qu'il manque cruellement d'ambition dans la mise en scène et dans ses visuels. On est face à ce que je déteste par dessus tout, c'est à dire à un animé power point. La mise en scène est tellement classique, tellement attendue, elle ne réserve tellement aucune surprise et aucune folie qu'on finit par royalement se faire chier dans les très (très (trop)) nombreuses scènes d'expositions. Sérieusement, raconter le fonctionnement de son monde par un dialogue statique champs contre-champs c'est interdit par la convention de Genève normalement. Il y a quelques idées qui se baladent par ci par là, par exemple les scènes de dialogues devant l'aquarium qui sont assez jolies, ou encore le passage quasiment surréaliste du dernier épisode (mais pourquoi tout l'animé n'est pas comme ça ?) mais c'est vraiment plus l'exception que la règle. C'est presque un animé qu'on pourrait écouter en podcast tellement il ne passe rien d'intéressant à l'écran, ce qui donne juste une sensation de gâchis immense vu le potentiel qu'avait cette histoire. Je pense que si on avait donné le projet à une équipe qui avait une vision un peu plus ambitieuse visuellement, ça aurait pu être un excellent animé.

Bref au final je finirais par citer un autre animé auquel Kowloon m'a beaucoup fait penser parce qu'ils partagent beaucoup de thèmes entre eux : Evangelion. Les deux animés racontent des histoires assez similaires (une personne perdue dans un monde qui apprend à devenir lui même et à sortir de sa bulle) mais qui le font d'une manière très différentes. Dans Evangelion les thématiques misent à l'écran sont mises en scènes, elles ne sont pas juste évoqué ou montré, elles sont travaillés, il y a des idées souvent assez originales pour les mettre en forme. Ce n'est pas le cas de Kowloon où cette même histoire est présenté de façon trop classique, sans folies visuellement à l'écran, sans idées dans la mise en scène. La différence fait que dans Evanglion on vit les thématiques parce qu'on les ressent esthétiquement, alors que dans Kowloon on ne fait que les remarquer ou les noter. Dans le cas de Kowloon, ma réaction est de dire qu'on est face à un animé intéressant, qui arrive à (bien) traiter de thématiques qu'il aborde, mais un animé est une œuvre d'art, si je voulais voir des thématiques bien abordé j'ouvrirais un livre de philosophie. Face à une œuvre d'art je veux être touché esthétiquement, et cette recherche esthétique, au moins sur le plan visuel, je trouve que Kowloon passe complètement à coté.