Anya et le roi

Quand une nouvelle série jouit d'un succès soudain et pratiquement unanime, on a parfois envie inconsciemment d'être celui qui verra clair et démystifiera cette hype excessive.
Je vais tâcher de ne pas tomber dans cet écueil en saquant inconsidérément "The queen's gambit", car le show diffusé sur Netflix se révèle plaisant et efficace, bénéficiant d'un soin incontestable et d'une comédienne fascinante, mais plusieurs défauts irritants ont perturbé mon visionnage.

En effet, les principales thématiques de la série sont traitées de manière superficielle et convenue.
On a droit ainsi à l'éternel personnage de génie solitaire, un peu arrogant, vaguement autiste, mais néanmoins adulé par tous les membres de son entourage. Voilà pour la vision novatrice du surdoué, qui travaille peu mais gagne constamment (ou presque), et qui souffre évidemment d'une addiction secrète.

Le traitement de cette addiction m'aura aussi fait tiquer une paire de fois, puisque selon Scott Frank, showrunner de "The queen's gambit", tout est question de volonté, et notre pauvre Beth, devenue accro aux tranquillisants bien malgré elle (on les distribue comme des bonbons à l'orphelinat), se débarrassera de ce fardeau en claquant des doigts (malgré quelques sévères rechutes), presque sans aide extérieure (cure de désintox? produit de substitution? groupe de soutien? meuh non!).

Reste le thème des échecs, qui donne parfois l'impression de n'être qu'une discipline prétexte, tant on aborde peu les détails de ce jeu (histoire de ne pas rebuter le grand public), hormis quelques allusions évasives à des stratégies telles que "the sicilian defense" : Beth eut-elle été championne de backgammon que la série aurait été à peu près identique...

Voilà pour les critiques, mais je reconnais volontiers que "The queen's gambit" offre un divertissement agréable (quoique un brin redondant), porté par la starlette Anya Taylor-Joy, une comédienne incroyable qui aimante littéralement la caméra et le regard du spectateur.
Voir la belle Anya aux yeux de chat défiler dans des toilettes inspirées de la mode des années 60 reste un plaisir certain, surtout que la reconstitution se révèle éblouissante (on voyage de Paris à Moscou en passant par New-York).

Les personnages secondaires sont nombreux, variés et souvent intéressants, le rythme est soutenu, le format adapté, de sorte que la série se suit sans passion mais avec plaisir.
Scott Frank signe donc un divertissement efficace mais trop gentillet, reposant en grande partie sur la prestation d'Anya Taylor-Joy.
Sans le magnétisme de cette dernière, en revanche...