On vous a appris qu'un nazi est une mauvaise personne. On vous appris que les forces alliées avaient sauver le monde de la tyrannie.
Si vous ne l'avez pas déjà fait par vous-même, vous allez peut-être nuancer votre esprit.
La force narrative de 'The Man in the High Castle', contrairement à ce que peut laisser imaginer le synopsis, ne repose absolument pas dans la résistance à l'ordre nazi à l'Est, ou japonais à l'Ouest, ni même dans la démonstration de l'horreur que ces pouvoirs représentent. Au contraire elle se trouve dans la démonstration perpétuelle que la bonté, la droiture et la bienveillance sont partout d'une part, et que partout elles sont cernées de pourriture d'autre part ! Et les choses sont d'autant mieux faites ici que cette logique est valable aussi, pour un certain nombre de personnages, à l'échelle individuelle. Comprenez que la plupart des protagonistes principaux sont à l'image de ce constat : fondamentalement bons, factuellement pourris (plus ou moins selon les cas bien entendu).
Le rendu est réellement captivant, notamment grâce à une brochette d'acteurs franchement impeccables. Rufus Sewell (John Smith) est à tomber, c'est simple il a l'effet 'Tyrion Lannister', c'est-à-dire qu'on est juste content à chaque fois qu'il apparaît à l'écran ! Même chose pour Cary-Hiroyuki Tagawa (Trade Minister Togumi).
D'autres, légèrement moins centraux quoique très présents dans l'ensemble comme l'Inspecteur en chef japonais ou le Colonel Rudolph Wegener sont également époustouflants.
Finalement on regrettera simplement les égarements assez fréquents de l'héroïne et dans une moindre mesure de son conjoint Frank Frink...
Au-delà de la galerie de personnages réellement convaincants joués par des acteurs convaincus, la série profite aussi d'un background uchronique qui tient toutes ses promesses sans tomber dans la facilité comme je le laissais entendre plus haut. Ils auraient pu avoir la mauvaise idée de nous faire un inventaire anecdotique de tout ce qui aurait été différent si les forces de l'Axe avaient remporté la guerre mais non, l'univers est crédible, précis dans les détails tant au niveau de l'époque que des changements historiques induits par le postulat de base mais reste fondamentalement proche du notre.
L'intrigue, enfin, est largement fournie en rebondissements et suit une logique politique et humaine crédible. Les manoeuvres qui émaillent la saison afin de déterminer si une nouvelle guerre aura lieu ou non sont franchement bien pensées, et on n'a aucun mal à imaginer que ce genre de choses puisse avoir lieu dans nos propres sphères de pouvoir, et comme ce fut sans doute le cas par ailleurs durant la guerre froide.
Le scénario fonctionne essentiellement sur deux axes majeurs qui impliquent chacun les deux 'blocs' (Empire Nippon et Reich), laissant peu de place aux intrigues secondaires et je dois dire qu'on s'en passe volontiers. Tout comme on se passe des longs monologues en voix off qui écument les séries actuelles, et dans lesquels le héros nous bombarde de questions existentielles souvent sans rapport direct avec l'action (Heroes, Jessica Jones...).
Aussi, le cliffhanger de la fin de saison illustre un dernier aspect de la série que j'espère voir toujours présent, et tout aussi savamment dosé par la suite : le fantastique. (Attention, j'emploie ici le terme dans son sens littéraire ! Ne vous attendez pas à voir passer un dragon ou à suivre des échanges entre les nazis et des bonshommes verts.)
En conclusion, 'The Man in the High Castle' est une foutue bonne série en ce qui me concerne. Je lui reprocherai simplement une mise en place peut-être un peu moyenne et quelques passages moins réussis dans les deux premiers tiers de la saison.
En revanche, si vous accrochez, vous pouvez d'ores et déjà vous réjouir, la fin de cette première saison (épisodes 7 à 10) est un régal perpétuel !