À une époque où les femmes coréennes cherchaient à s’inventer un destin hors du foyer, Les Vertus de la Vente tente de raconter leur combat mais rate l’ancrage qui aurait pu toucher juste.
Dans la Corée rurale du début des années 90, quatre femmes se lancent ensemble dans la vente porte-à-porte de lingerie sexy. Han Jeong-suk, mariée trop jeune à un homme violent, voit là un moyen de gagner son indépendance et de protéger son fils. Oh Geum-hee, diplômée d’une grande université mais cantonnée au rôle d’épouse, cherche à combler son ennui. Seo Young-bok, mère de quatre enfants serrés dans une seule pièce, espère leur offrir une chambre. Lee Joo-ri, coiffeuse et mère célibataire, y trouve un souffle nouveau.
Chacune incarne donc à sa façon les carcans imposés aux femmes coréennes de l’époque : violence domestique, ambitions sacrifiées, maternité écrasante, réputation fragile. Leur aventure n’est pas qu’une comédie : c’est un petit acte de rébellion, une tentative pour retrouver dignité, revenu et solidarité féminine dans une société encore profondément confucéenne et patriarcale.
Mais c’est là tout le paradoxe. Cette histoire est importée d’Angleterre (Brief Encounters) et plaquée sur la Corée des années 90 sans véritable ancrage local. Pourtant, cette période regorgeait de sujets puissants et typiquement coréens pour traiter de l’émancipation féminine : l’essor des ouvrières dans les usines électroniques, les débuts des mouvements féministes, la révision du Code civil ou la pression pour enfanter des garçons. Autant de réalités qui auraient donné une œuvre plus crédible et enracinée.
Ainsi, on aurait pu suivre ces filles des usines que les coréens appellent les gongjang agassi, embauchées massivement tout juste sorties du lycée pour assembler des composants électroniques, moteur silencieux de l’essor économique, logées dans des dortoirs, travaillant à la chaîne sous pression et respirant des solvants toxiques. Leur quotidien aurait suffi à bâtir un récit fort et authentique.
Résultat, j’ai eu du mal à croire à leurs histoires. Je me surprenais à imaginer qu’elles vendaient autre chose. La mise en scène est souvent trop statique, avec des plans longs qui émoussent l’émotion. Kim So-yeon oscille entre regards trop appuyés et raideur, sans nuances, et l’alchimie avec Yeon Woo-jin est inexistante. La série vacille entre gravité sociale et touches plus légères, mais sans toujours trouver le bon équilibre, donnant un ton parfois bancal.
Reste un beau portrait collectif de femmes coincées entre traditions patriarcales et modernité naissante, qui trouvent dans la solidarité un chemin vers la dignité. C’est ce que je retiens, parce que pour le reste, non, vraiment, je n’adhère pas.